[Je précise avant toute chose avoir arrêté ce livre à son tiers, soit un peu plus de deux-cent pages, après m'être laissé de nombreuses chances, toutes déçues, de l'aimer davantage.]
Quelqu'un disait que l'on ne fait pas de littérature avec des bons sentiments. Peut-être que si, mais pas comme ça. Il y a pour moi deux problèmes majeurs voire rédhibitoires dans l'Ombre du Vent, intimement liés l'un à l'autre :
1) Les personnages sont vides, c'est-à-dire caricaturaux et conformistes.
2) L'histoire ne présente aucun intérêt.
S'agissant du premier point, disons que l'auteur fait des pieds et des mains pour rendre ses personnages attachants, gentils à la limite de la niaiserie, ils se battent même contre un horrible méchant qui porte un chapeau et des cicatrices sur le visage (rendez-vous compte), mais se faisant il rend ceux-ci insupportables et surtout inintéressants au possible. Mention spéciale à Daniel, le personnage principal, aussi marquant qu'un crayon HB sur une toile de bâche humide.
Le deuxième point est une conséquence du premier dans le sens où l'intérêt qu'on porte à une histoire est souvent étroitement liée à celui qu'on porte à ses personnages. Or, le problème de cette histoire, c'est que si on ne tombe pas amoureux de ses personnages, on a du mal à voir l'intérêt. Un ado trouve un livre et enquête sur la vie de l'écrivain inconnu qui l'a écrit. On s'en fout non ?
La lecture de l'Ombre du vent m'a fait réaliser quelque chose. Il y a trois grands types de fiction : l'imaginaire, la fiction 'réaliste', et la fiction 'du réel'. La fiction du réel se rattache directement à la réalité vécue et à son expérience : roman historique, auto-fiction, exo-fiction, etc. C'est celle qui envahit les rayons de nos librairies et reçoit la majorité des prix "prestigieux".
La fiction 'réaliste', elle, est une fiction qui, si elle prend pour toile de fond un lieu ou une époque, fait référence à des personnages et à des situations totalement inventées. Je crois que c'est le genre de fiction le plus difficile. C'est d'ailleurs celui des grands maîtres du XIXème, Flaubert, Dostoievski, Tolstoï, Hugo, Maupassant, etc.
Dfficile car, à l'inverse de la fiction de l'imaginaire, elle ne peut utiliser le levier du rêve et de l'imagination, ou seulement dans des proportions bien moindres. Et à l'inverse de la fiction du 'réel', elle ne présente pas d'intérêt direct d'apprentissage ou de compréhension de la réalité (même si elle a l'ambition d'offrir cette valeur indirectement). L'histoire et les personnages doivent donc tenir debout par eux-mêmes, ce qui requiert une maîtrise immense, une finesse dans la création des décors, des personnages, dans leur psychologie, qui n'est donnée qu'aux plus talentueux des écrivains.
J'arrête là mon exposé théorique un peu lourd. Au moins cette lecture m'aura-t-elle servi à penser à d'autres, et ce n'est pas si mal.