Il fût un rêve...

Sorceleur est un métier. Celui de chasser les monstres qui mettent en péril la population. Mais dans un temps où les monstres se font rares et où les humains deviennent ce qu'ils craignaient jadis, le Sorceleur a t-il encore sa place ? Le réel devient alors rêve ou peut-être est-ce le rêve qui prend fin...

Toujours habité par un sens narratif unique, Andrzej Sapkowski captive encore le lecteur par sa narration, fruit du regard de nombreux protagonistes, issus de lieux et de temps épars.

Attention spoilers !

Une large première partie du roman voit le groupe qui entoure Geralt se reposer durant l'hiver dans le havre de paix qu'est Toussaint. La pause est savoureuse et nos héros goûtent au repos des guerriers en des bras gracieux et charmeurs. Une sorte de rêve éveillé les protège des avanies extérieures. Si leurs journées sont paisibles, ce n'est pas le cas de la pauvre Yennefer qui souffre mille morts durant ce laps de temps entre les mains du mégalomaniaque Vilgefortz.
Puis vient une partie consacrée à Ciri. La jeune fille, par le truchement de la tour de l'hirondelle, s'est retrouvée en un autre lieu, dans un espace quasi intemporel. Invitée contrainte d'elfes au menées douteuses, elle parvient à s'enfuir aux travers des dimensions et des époques. Cette phase, qui par certains aspects m'a fait songer à certains récits égarés de Mickaël Morcoock, m'a semblé bien longue et par trop évanescente. Que de sauts et de répétitions dans cette fuite éperdue ! Après plus de 100 pages oniriques et un peu pénibles, c'est une toute autre ambiance qui attend le lecteur. Une bataille aux proportions épiques.
L'alliance des royaumes du nord contre l’envahisseur Nilfgaardien va voir des combats hallucinants se dérouler. La sauvagerie de la guerre est parfaitement retranscrite par la plume virevoltante de l'auteur. Depuis le fracas des armes qui s'entrechoquent jusqu'à l'abnégation admirable des chirurgiens qui tentent de sauver les blessés, c'est un véritable festival d'actions héroïques que le lecteur hébété va suivre.
La suite ira crescendo avec des retrouvailles ô combien sanglantes entre les êtres aimés. Combien d'amis auront pour récompense de leur fidélité un abrupt trépas ! L'auteur parvient à susciter chez le lecteur ce qui fait son génie, l'émotion liée à l'attachement que se vouent Geralt, Yennefer et Ciri. Quelques passages magnifiques émaillent le récit jusqu'au dénouement inattendu, empreint de tristesse et de nostalgie.

A la fin de tout, toute latitude est laissée à chacun de s'imaginer ce qu'il advient de nos héros. Après tant d'aventures passées à leurs côtés, c'est sur une note douce amère que se conclut ce récit parfois langoureux, d'autres fois lancinant ou passionnant, quelquefois triste ou jubilatoire.
Une saga se termine sur ce chapitre onirique. Mais le rêve est à présent échu.