"La jalousie ne permet jamais de voir les choses telles qu'elles sont. Les jaloux voient le réel à travers un miroir déformant qui grossit les détails insignifiants, transforme les nains en géants et les soupçons en vérité." Cette citation de Miguel de Cervantes traduit parfaitement la folie soudaine et irrépressible de Zahava, quinquagénaire israélienne, alors qu'elle vient de découvrir un cheveu blond accroché au maillot de corps de son mari. Et il n'en faut pas plus à Benny Barbash pour se lancer dans le monologue intérieur d'une femme prise dans les rets d'une terrible jalousie. Tour à tour loufoque, démente et pathétique, la quête de Zahava dans La vie en cinquante minutes devient une aventure épique et surréelle avec l'écriture d'un écrivain dont on connait l'inventivité et l'humour dévastateur depuis la parution de My little Sony. Son héroïne déploie des trésors d'imagination pour accéder à la terrible vérité, tout du moins celle qu'elle imagine. Et sa déraison est d'autant plus "délectable" qu'elle se heurte aux comportements (plus ou moins sensés) et aux états d'âme de personnages secondaires croqués avec amour : un analyste, un serrurier, un écrivain, un détective privé, ses amies, son mari ... Autant dire qu'on ne s'ennuie guère dans ce roman qui fait de la digression un art suprême. Au-delà de la jalousie, Barbash ausculte le quotidien d'un couple et le dérèglement d'une femme en pleine crise existentielle. Le tout dans un pays, Israël, totalement schizophrène, même si le livre est moins ouvertement politique que les ouvrages précédents de l'auteur. Sous une plume plus "sérieuse", La vie en cinquante minutes pourrait être un récit dramatique et angoissant. Mais la verve de Benny Barbash et son sens du rythme donnent au roman des couleurs vives qui en rendent la lecture extrêmement divertissante. Sans que l'on en oublie pour autant le côté sombre de cette introspection profonde et diabolique.

Cinephile-doux
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le 17 déc. 2016

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Cinéphile doux

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