Partant du principe que peu de personnes liront ce livre, ceci tient plus du compte-rendu que du commentaire.


La préhistoire ce ne sont pas seulement quelques peintures rupestres qui décorent grottes et falaises ou des pointes de flèches et des ossements découverts lors de fouilles, mais c’est aussi et surtout une science que ces vestiges ont permis de développer permettant d’appréhender l’histoire de l’évolution du vivant et par là-même l’Histoire de l’humanité, ses origines, sa bipédie, son langage, son l’art, ses croyances… tels sont quelques-uns des sujets abordés dans ce livre par Éric Pincas.


Éric Pincas est né à Paris en 1972. Il est historien de formation et ancien élève de l’Institut français de Presse. Pendant deux ans, il a enseigné en presse écrite à l’Institut International de Communication de Paris (IICP) parallèlement à son activité de journaliste au magazine Historia. Spécialisé dans la vulgarisation historique depuis dix-huit ans, il a publié de nombreux reportages. Passionné par la Préhistoire, il a réalisé des dossiers à succès pour le magazine Historia : L’Odyssée des premiers hommes ; Les premiers habitants de la France il y a 35 000 ans ; Les rites funéraires de nos ancêtres ; Le tour de France des grottes ornées ; Comment l’homme est devenu bipède ; *le Néolithique, la première révolution culturell*e...
Rédacteur en chef du magazine Historia depuis 2014, il est l’auteur de l’ouvrage Qui a tué Neandertal ? En 2017, il coécrit le scénario du documentaire adapté de son livre, en association avec France 5.


Dans La Préhistoire, Éric Pincas, passionné par la préhistoire, nous livre, à travers une approche historico-scientifique un condensé des connaissances les plus pointues de la paléontologie humaine. Sans oublier de mettre en avant les débats qui agitent la communauté. Ainsi on y apprend que les scientifiques sont… des hommes et des femmes (un scoop !).
Qu’est-ce à dire ?
Tout le monde a entendu parler de Toumaï, un brave gars qui vivait à l’emplacement du Tchad actuel, il y a environ 7 millions d’années et a eu l’idée saugrenue de laisser trainer son crâne (ou quelques morceaux), enfoui dans le sol, là-bas. En étudiant cette relique le paléoanthropologue français Michel Brunet (et son équipe – où va se loger la solidarité de corps !) conclut qu’il s’agit là d’un hominidé (2001), le plus ancien représentant du rameau humain connu à ce jour ! C’est-à-dire un bipède qui se tient debout comme vous et moi (la plupart du temps). Mais voilà qu’une jeune étudiante en DEA, qui répond au doux nom d’Aude Bergeret, vient faire un stage dans son labo (2003), elle est jeune et curieuse, la petite ! En fouinant parmi les os qui trainent dans le coin (à chacun son plaisir !) elle découvre un fémur qui pourrait bien appartenir au gars Toumaï… Stop ! Pour l’amuser, on l’envoie se dégourdir les jambes au Tchad, histoire de se changer les idées. À son retour, le fémur a disparu… Elle s’inquiète, on lui répond : un fémur ? Y a pas de fémur, il n’y a jamais eu de fémur, tu oublies le fémur !... Aujourd’hui directrice du musée d’Histoire Naturelle de Montauban, elle confie : « Vu la façon dont tout cela s’est passé, je me suis dit que me lancer dans une carrière où on évolue dans un panier de crabes ne m’intéressait pas. Tout ça m’a dégoûtée. J’ai quitté le monde de la recherche. »
Quant à son ancien professeur, Roberto Macchiarelli, a qui elle avait montré LE fémur, il déclare sur France 3 Aquitaine le 26 janvier 2018 « Ce que j’ai vu et ce que je retiens dans le registre fossile ne me parle pas d’un bipède avéré mais plutôt d’un grand singe ! […] Ma hiérarchie m’a demandé de me taire ! »
Et, en parallèle, le même jour, sur l'antenne de France Culture, Michel Brunet s'exclame « ll est prévu de publier le fémur, [mais] je ne reconnais à personne le droit de me dicter le moment ! », et explique que si jamais le fémur n'est pas celui d'un bipède, c'est qu'il n'appartient pas à Toumaï !... (On croit rêver… mais c’est un mauvais rêve…) https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Brunet_(pal%C3%A9oanthropologue) [Controverse]


Alors, quand je me suis hasardé, entre la poire et le fromage, à conter cet épisode de la Guerre des Gaules à ma femme, elle m’a considéré d’un œil compatissant et quelque peu ironique en murmurant : « Franchement, on s’en fout du fémur de Toumaï ! C’est qui déjà, ce… Toumaï ? ... »
D’accord. En fait, le problème, c’est le comportement d’hommes de sciences qui devraient être au service de la science, du savoir, de la connaissance mais qui refuse – par orgueil ? – de se remettre en question au point d’être de mauvaise foi, de faire preuve de "fraude intellectuelle", de dissimuler des preuves. C’est d’une puérilité sans nom et d’une malhonnêteté impardonnable quand bien même la raison profonde ne serait que purement budgétaire.
Bon, pour ne pas rester dans le flou, pour appeler un chat, un chat, il semblerait bien que LE fémur poussiéreux en question n’ait pas la forme Ad-hoc pour être celle d’un mec qui marche sur ses deux pieds mais plutôt celle que quelqu’un qui cavale à quatre pattes !


Et c’est bougrement important la bipédie ! On nous explique qu’il y a quelques millions d’années (2,5 voire 7 si on en croit Toumaï), les gaz à effet de serre de l’époque ont modifié le climat, si, si, et l’Afrique sylvestre a commencé à se couvrir de savane, les primates qui sautaient de branches en branches, loin de leurs prédateurs et proches de leurs fruits juteux, sont descendus dans les hautes herbes. Ils se sont redressés pour voir ce qui se passe et ne pas être pris par surprise, et les voilà de plus en plus souvent sur deux jambes… et alors ? Et ça change tout ! Comme dit la Pub bien informée. Le squelette se transforme (Cf. le fameux fémur), on va y revenir. Les mains se libèrent, libres de faire autres choses comme saisir des outils, faire des signes aux copains (premiers langages), fabriquer des objets (en pierre, en os) et pourquoi pas, faire du feu !... Et comme toujours le progrès le plus marquant, le plus considérable, le plus extraordinaire vient des femmes : une fois debout, leur bassin s’est rétréci et pour accoucher elles ont dû mettre au monde des enfants nettement avant-terme dont le crâne a à peine atteint le quart de son développement définitif, des êtres pas finis au point qu’il leur faudra encore douze à quinze années pour atteindre son terme de croissance (remarquez, j’ai connu des adultes pas finis non plus, pas vous ?). Et bien ça, c’est un ÉNORME progrès, figurez-vous, parce que pendant ces 12 à 15 années le jeune, dont le cerveau est en pleine croissance, en pleine formation, il apprend, il apprend à une vitesse incroyable, dans le milieu familial, dans la tribu, dans le groupe. C’est fou tout ce qu’il apprend. Et c’est comme ça que d’Homo-erectus à Homo-habilis on finira par arriver à Homo-sapiens, l’homme moderne, en attendant l’homme connecté puis virtuel puis disparu…


AVIS AUX SUPRÉMACISTES BLANCS : « NE LISEZ PAS CE QUI SUIT ! », sinon vous allez en faire… une jaunisse !
Nos ancêtres avaient la peau NOIRE ! Bon d’accord, ce n’est pas un scoop mais beaucoup semblent l’avoir oublié.
On nous rappelle qu’Homo sapiens est né il y a 300 000 ans en Afrique, comme l’atteste la découverte de fossiles, au Maroc, en 2017, où le climat est alors tropical. Pour se protéger de la chaleur et des rayonnements du soleil, la peau sécrète de la mélanine qui a pour effet de foncer la pigmentation. Sous des latitudes moins ensoleillées la peau va progressivement s’éclaircir pour mieux synthétiser la vitamine D, mais à la lumière des recherches récentes en paléogénétique, il apparaît que le processus de dépigmentation des Européens n’a commencé à s’accélérer que vers 8 à 7 000 ans avant notre ère. Il n’y a donc pas longtemps qu’on s’est décoloré !


Et pour en finir avec les inepties et les croyances tenaces sur le créationnisme qui subsistent encore : « Dieu a créé l’homme à son image, point final ! » Alors, Dieu ressemble à Homo erectus


Et si on cessait de prendre nos ancêtres pour des demeurés complètement stupides ?


Non, les hommes des cavernes ne vivaient pas au plus profond des cavernes ! Arrêtons de les prendre pour des idiots, ils savaient construire des cabanes, ils aimaient se réchauffer aux rayons du soleil, aussi, s’il y avait une caverne pour s’abriter, ils s’installaient à l’entrée de celle-ci pour bénéficier et de l’abri, et du soleil pour s’éclairer et se réchauffer. Ils affectionnaient les abri-sous-roche, ces cavités peu profondes, fréquentes à la base des falaises calcaires, creusées par l’érosion, comme on en trouve de nombreux dans la vallée de la Vézère ou de la Dordogne.


Non, ils ne se goinfraient pas exclusivement de viande et de gibiers mais ils avaient l’intelligence de savoir utiliser toutes les ressources de leur environnement, plantes, bulbes, racines, baies, graines, champignons. Ils vivaient en étroite communion avec la nature et connaissaient les plantes qui soulageaient leurs maux.
......................................Menu du Réveillon de Noël Paléolithique..........................................
........................................................Auberge Cro-Magnon............................................................
..........................................Le 24 décembre 34 356 AV J.C.* à 22h30..........................................
.....................................................7ème abri-sous-roche...............................................................
..........................................................Avenue de la Vézère...........................................................
.................................................Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne...................................................


....................................................................-- < 0 > --....................................................................


.............................................................« Amuse-bouche.............................................................
.....................................................Assortiment d’insectes grillés...................................................
......................................................................Entrées....................................................................
..............................................................Soupe de poissons..........................................................
......................................................Escargots grillés en coquille....................................................
......................................................................Viandes....................................................................
....................................Brochettes de renne, marrons cuits dans la braise...................................
....................................................Côte de bison grillée sur dalle...................................................
......................................................et Rôti de cerf à la rhubarbe....................................................
......................................................................Poisson....................................................................
....................................................Saumon frais au persil sauvage................................................
..........................................................Champignons à l’étouffé......................................................
.......................................................................Dessert...................................................................
...................................................Noix au miel d’abeilles sauvages »
............................................


« Après ça, qui oserait dire que nos ancêtres n’étaient pas de fins gourmets ? »
(*) AV J.C. : Traduite = avant Jacques Chirac !


Mais à la question : Nos ancêtres du paléolithique se faisaient-ils la guerre ? la réponse est : Non ! Je vous l’ai dit plus haut, ce ne sont pas les farouches abrutis que l’on s’imagine. Les images fantasmées des hordes sauvages qui s’affrontent dans La guerre du feu décrivant un monde préhistorique sanguinaire, barbare, peuplé d’hommes et de femmes aux instincts les plus vils, est une vision d’artiste, sans doute très photogénique, mais qui correspond davantage à l’attente des spectateurs du XX° siècle, le siècle le plus meurtrier de l’histoire de l’humanité, alors que « Les vestiges enfouis dans la terre racontent une tout autre histoire : pas une trace de massacre de masse au paléolithique ! » Bien sûr, ici ou là, on trouve bien un crâne fracassé ou perforé, on avait sa dignité, quand même ! Mais pas de massacre comme on a su si bien faire par la suite. Il faut attendre le néolithique et la sédentarisation – et donc l’invention de la propriété – il y a 14 à 12 000 ans, où il arrive que l’on découvre des charniers d’une soixantaine de corps mutilés – on a fait beaucoup mieux depuis – enfin « Avec l’apparition, au Proche-Orient, des premières cités au VI° millénaire avant notre ère, la fréquence des conflits va s’accroître de manière exponentielle, les homme s’affrontant par idéologie, désir de conquête, soif de domination ou fanatisme religieux… » de quoi méditer…


Quant à la naissance d’un sentiment religieux, « L’angoisse de la mort est universelle et immémoriale. L’homme, conscient de sa propre finitude, a dû apprendre à l’apprivoiser pour parvenir à mieux vivre avec. […] Alors, pour rendre supportable l’insupportable, il a fallu s’armer, se constituer un véritable arsenal mental : poser des mots pour apaiser la douleur, recourir à des croyances et à des rituels pour repousser le néant, tendre des ponts vers l’au-delà, rêver d’éternité. » C’est-à-dire inventer des rituels funéraires, et donc jeter les bases d’une spiritualité initiant un sentiment religieux. On a la preuve aujourd’hui que ces gestes funéraires existent depuis la préhistoire comme l’atteste la découverte de tombes ancestrales, au Proche-Orient, datées d’environ 100 000 ans. Mais c’est au néolithique, vers – 9 000 ans, qu’apparaissent les premières nécropoles « La mort devient alors l’objet d’une sanctuarisation. Aujourd’hui on continue d’honorer les morts selon les aspirations de notre cœur ou les normes fixées par le calendrier liturgique. »


Je vous laisse découvrir bien d’autres réponses à toutes les questions que vous vous posez, ou pas : Homo sapiens parlait-il ? Néandertal et Homo sapiens ont-ils coexisté ? Se sont-ils affrontés ? Pourquoi Néandertal a-t-il disparu ? Les hommes étaient-ils contemporains des dinosaures ? Des mammouths ? Nos ancêtres étaient-ils charognards ? Cannibales ? Quid de la sexualité ? Quel était le rôle des femmes dans le groupe ? Comment interpréter leur art ?... etc. De quoi s’étonner, de quoi s’émerveiller…


Un très bon livre qui remet les choses en place, consolide nos fondations, fortifie notre vision de l’avenir. À rapprocher de Nos premières fois, le passionnant ouvrage de Nicolas Teyssandier (https://www.senscritique.com/livre/Nos_premieres_fois/critique/197321579), deux livres complémentaires, passionnants et enrichissants.
Et bientôt complété par :
https://www.senscritique.com/livre/L_homme_prehistorique_est_aussi_une_femme/43116683

Philou33
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes D - Comptables : Ceux qui comptent ! et Q - FRAGMENTS

Créée

le 20 oct. 2020

Critique lue 154 fois

3 j'aime

1 commentaire

Philou33

Écrit par

Critique lue 154 fois

3
1

Du même critique

L'Anomalie
Philou33
7

À lire sans tarder… et pour cause !

… Car je ne pense pas trahir un quelconque suspense en soulignant que l’action de "L’Anomalie" se déroule en juin 2021 (Cf. quatrième de couverture) et donc tout ce qui n’est pas advenu peut encore...

le 13 déc. 2020

17 j'aime

5

Les Choses humaines
Philou33
4

OUI pour le fond ! NON pour la forme !

C’est générationnel (Je suis un VIEUX C…). Je n’aime pas les histoires de cul ! Je n’aime pas les histoires où on « fait l’amour » comme d’autres font des cauchemars. Mais, à en croire l’auteure,...

le 13 nov. 2019

14 j'aime

11

Le Bug humain
Philou33
10

L’Homme : ennemi mortel pour l’homme

ATTENTION, ceci n’est pas une "Critique". D’ailleurs je ne m’octroie pas le droit d’émettre des critiques, tout juste des commentaires. Ici, ce serait plutôt un billet d’humeur. Dans ce cercle...

le 20 mars 2020

11 j'aime

5