Sur le papier, une excellente uchronie. Les alliés ont perdu la 2nde Guerre Mondiale. Le gâteau mondial est découpé entre les deux grands vainqueurs : le Japon et l'Allemagne. Ce qui, il faut bien l'avouer, est très alléchant.
La culture américaine, qui n'a plus comme réalité que celle des livres d'histoire, devient une lubie de collectionneurs nostalgiques ou passionnés. L'Ouest Américain, devenu les Etats américains du Pacifique, sous domination japonaise, adopte les codes de cette nouvelle culture et notamment son Yi King et les invocations à un Oracle pour prendre les bonnes décisions.
Dans les faits, si l'uchronie décrite ci-dessus constitue le contexte du récit, l'auteur s'attache davantage à la vie de différents protagonistes aux destins plus ou moins croisés.
Très vite, telle une constante dans les ouvrages de Dick, on perçoit que la vérité telle que présentée par chaque personnage se nourrit de faux-semblants. Et que chacun tente de faire sa place à sa manière dans un monde qui ne ressemble plus à celui d'hier.
Du côté du fond, parfait et plein de promesses donc.
En revanche, du côté de la forme, il faut être beaucoup plus accroché. De nombreux protagonistes, avec pour certains différentes appellations ou identités. Un contexte géopolitique complexe. Une situation politique allemande tournant à la guerre de succession pour la chancellerie. Et un style parfois difficile à lire.
Et une question persistante : mais où veut-il en venir?
Car l'intrigue met du temps à se mettre en place, et surtout on n'est pas certain de la percevoir totalement. Certains personnages mènent une vie sans grand intérêt d'un point de vue romanesque. D'autres mènent une double-vie, si bien qu'on ne sait plus bien quel est leur objectif.
L'impression d'ensemble que j'ai eue est de lire la chronique d'une société imaginée par l'auteur qu'un véritable roman, avec un fil rouge.
Ce qui accentue cette idée est la fin, qui est sujette à beaucoup d'interprétations. Mon rythme de lecture s'est accéléré dans les dernières pages, à la recherche d'une explication d'ensemble que je ne suis pas certain d'avoir totalement saisi. Pour la simple et bonne raison qu'à l'image de ce livre, on comprend qu'il n'y a pas une vérité mais des vérités, propres à chacun et évolutives dans le temps.
Et dans ce sens, est-ce réellement de la science-fiction? Ou une retranscription de notre époque où chacun vit avec l'impression permanente d'être dans le bon camp, avec la vérité faussée par la culture, la tradition, les légendes populaires et la propagande.
Alors dans le fond cette sensation déconcertante est un effet secondaire normal lorsqu'on prend une dose forte de Philip K.Dick, romancier parmi les plus hallucinogènes et hallucinants du siècle passé.