Katya est une ado de 16 ans qui en a déjà vu des vertes et des pas mûres. Une mère alcoolique, peu aimante et encore moins démonstrative ; une mère qui n’hésite pas à « emprunter » de l’argent à ses enfants pour payer ses écarts de conduites. Le père a brusquement disparu. Il devait apparemment beaucoup d’argent à des gars peu compréhensifs. Des dettes de jeu. Où se trouve-t-il maintenant ?
Quant aux hommes, Katya a connu sa première expérience à l’âge de 14 ans. Avec un vague cousin, bien plus âgé, brutal et dont la vision de la femme s’apparente à un corps destiné à satisfaire ses pulsions bestiales.
La jeune fille est donc un savoureux mélange de naïveté juvénile et de cynisme adulte. Elle n’a probablement pas la meilleure vision qui soit du genre humain et masculin en particulier. Pourtant, quand un vieux monsieur l’aborde dans la rue, elle ne fuit pas. Car cet homme est d’une rare élégance. Il s’exprime de façon châtiée et son vocabulaire qu’elle estime suranné prête à rire. Un vieux beau qui lui dit qu’elle est son âme sœur et qu’il la recherche depuis des années. Un discours qu’on pourrait juger enjôleur ; un homme avec une arrière pensée. Une idée pas bien difficile à deviner dans le cas d’une fraiche jeune fille sans défense. Et pourtant Katya, malgré son vécu déjà conséquent, ne se méfie pas. Au contraire, elle trouve l’homme éblouissant.
Elle ne tarde pas à lui rendre visite dans sa riche propriété de bord de mer : une villa immense dans le quartier huppé de la petite station balnéaire où Katya est employée pour l’été par un couple aisé pour s’occuper de leurs deux enfants. Marcus Kidder se révèle être un artiste accompli : dessinateur, peintre, sculpteur, écrivain… monsieur a de nombreuse cordes à son arc. Il couve Katya des yeux, lui parle tout d’abord comme un grand-père à sa petite-fille, puis comme un amoureux de la beauté face à une jeune fille aux courbes harmonieuses.
Joyce Carol Oates poursuit son récit auquel nous pouvons aisément donner deux lectures. On peut trouver Mr Kidder un peu trop pressant, un tantinet entreprenant. Que cherche-t-il ? Qu’attend ce vieil homme un peu ridicule d’une midinette avec laquelle il n’a rien en commun ? Qu’elle est la souveraine raison qu’on pressent et qui le force à cette relation absurde ? Katya se pose la question et ses interrogations pervertissent le lecteur le forçant à chercher une petite bête qui n’existe peut-être pas. Car objectivement, Macus Kidder est irréprochable. Il est affable, cultivé, prévenant.
Alors ? Papy sympathique et solitaire en mal de jeunesse et d’affection ? Ou satyre dangereux ? Cette belle maison ne demande-t-elle qu’à accueillir un regain de vie ou est-elle le panier de crabe qu’on craint ?
La réponse arrivera à son heure dans ce court roman qui ne m’a pas convaincu. J’aime l’ambivalence des personnages, de Marcus mais aussi de Katya qui a elle aussi sa part d’ombre. L’écriture est comme toujours fort belle, les italiques savoureux mais pour une raison que je ne m’explique pas, la mayonnaise ne prend pas. J’ai l’impression que les personnages et les situations sont un peu forcés, l’enchainement des évènements pas très naturel, la solution un peu trop parachutée et le final un chouïa outrancier.
C’est une déception.
BibliOrnitho
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le 3 avr. 2013

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