1902, Jack London traverse l'atlantique pour l’Angleterre afin de se rendre par la suite en Afrique du Sud pour couvrir la guerre des Boers comme correspondant. A son arrivée, il apprend que ladite guerre touche à sa fin. Ne se laissant pas abattre, le jeune écrivain de 26 ans décide alors de se plonger dans les bas-fonds londoniens de l'East End en se faisant passer pour un marin sans le sou. De cette immersion de près de 3 mois naitra Le Peuple d'en bas, photographie d'un Londres où la pénurie de logements, le chômage et la misère font rage.


Ce livre de 250 pages, c'est le cri muet de centaines de milliers d'âmes en peine. Car en ce début du XXe siècle, Londres est une ville bondée, envahie par le flot continu des compagnes avoisinantes qui y dégueulent ses vigoureuses familles. On découvre des ouvriers et petits employés aux salaires misérables leur permettant tout juste de manger et d'avoir un toit. Les appartements, exigus, sont néanmoins divisés par pièce où plusieurs personnes dorment. Pour les chômeurs, l'impossibilité de se payer un logement les oblige à passer la nuit dehors ou bien à faire la queue pendant des heures afin de bénéficier d'un bol de soupe et d'un lit dans des endroits sordides appelés asiles en échange d'une journée de cassage de cailloux.


Pamphlet contre la misère et les dérives d'un système injuste, Le Peuple d'en bas parvient à tenir en haleine le lecteur sans intrigue. Les pérégrinations de l'écrivain l'amènent de découverte en découverte. Endossant le rôle reporter, Jack London livre un témoignage sans concessions ni fanfaronnades.


Le ton ironique de London résonne comme la matérialisation d'une armure que se forge l'écrivain révolté mais totalement dépassé par l'ampleur de cette effroyable tragédie. Dénonçant par une démonstration rigoureuse la faillite de l'état envers son peuple réduit en esclavage pour enrichir les riches, l'écrivain pointe du doigt ce qu'il pense être les dérives du capitalisme. Il écrira quelques années plus tard Le Talon de fer, roman dystopique où le système capitaliste, devenu tyrannie, entraine le soulèvement des classes populaires.


Surpopulation, pauvreté, maladie et famine fauchent par milliers les laissés pour compte du système en cette fin d'époque victorienne. Le témoignage édifiant de London met la lumière sur les conditions de vie inhumaines dans le quartier de l'East End où l'espérance de vie n'est que de 30 ans.
Un livre terrifiant.

Vincent-Ruozzi
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le 10 févr. 2018

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Vincent Ruozzi

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