« Jean Paulhan n’existe pas. »

Fruit des amours finalement sans heurts entre une collection essentiellement vulgarisatrice et une ’Pataphysique qui se définit comme « science du particulier » mais n’est peut-être en fait qu’un autre nom de la spéculation intellectuelle poussée et organisée à fond, les 101 Mots de la Pataphysique sont l’œuvre de spécialistes. Et avec la ’Pataphysique, le spécialiste est aussi le premier concerné, en l’occurrence la « Sous-Commission du Grand Extérieur » du Collège. En d’autres termes, on sera déçu si on espère de ce livre quelque chose comme une introduction universitaire, un bilan critique ou un manuel. Il s’agit plutôt et assez logiquement d’une présentation à l’usage du profane, pour autant que le terme puisse s’appliquer à une organisation dont les statuts stipulent que « le genre humain n’[est] composé que de pataphysiciens » (titre I, article 3, § 1, rapporté p. 26). Quoi qu’il en soit, le néophyte ne perdra rien à commencer par l’article « Utilité », qui précise que « Les Pataphysiciens ne veulent pas “en venir” ni y venir. Ils y sont. »
Il y aurait bien des pages à écrire sur la ’Pataphysique — ce qui serait peut-être un pléonasme dans la mesure où « le Collège professe tout au monde est littérature et n’a d’autre vocation que d’assumer sa plénitude pataphysique » (p. 55) —, là encore sans perdre de vue (voir l’article « Lutembi ») que l’on parle tout de même d’un Collège qui a élu comme Vice-Curateur, au suffrage individuel, un crocodile du Lac Victoria… Mais pour peu qu’on ait quelques rudiments d’histoire littéraire, on imaginera en lisant les textes du Collège de ’Pataphysique — dont ces 101 Mots sont loin d’être la publication la plus intéressante, effet « Que sais-je ? » oblige — ce qu’aurait donné un surréalisme qui aurait remplace son esbroufe et son agressivité par l’intelligence et l’esprit d’indépendance authentiques.