« Achever une guerre avant qu’elle ne nous achève »

Ayant découvert l’univers de Game of Thrones par la série TV et non par les livres, j’ai abordé les livres comme un complément, ou une alternative peut-être, à la série dont j’ai fini par être fan, j’en ferai de même dans ma critique. Je ne spoilerai pas dans le détail de passages importants, je les sous entendrai tout au plus mais j’en parlerai quand même à demi-mot donc bien sûr si vous voulez une découverte totale, lire cette critique n’est pas recommandée mais j’ai envie de dire que ça vaut pour toute critique dans ce cas-là.

Les sables de Dorne portent très mal ce nom puisque Dorne comprend ici en tout et pour tout un petit chapitre de très bonne qualité mais assez modeste en contenu. Myrcella est manifestement plus intelligente et perspicace que dans la série, alors que plus jeune, où tout ce qui la caractérise sont sa beauté et sa bonté, j’aime assez la version littéraire là-dessus et sinon le twist assez prévisible de ce chapitre n’en est pas moins brutal et émouvant donc encore une fois c’est de qualité mais ce n’est pas avec ce tome que l’intrigue dornienne s’enrichit énormément.

Les intrigues du côté des fers-nés sont en revanche très consistantes dans ce tome en plus d’être beaucoup plus riches que leur équivalent dans la série. La triptyque des prétendants au trône de grès Asha, Victarion et Euron entre pleinement en jeu. À côté de ses répliques bien senties, « j’ai toujours eu un problème avec ta (bip), j’ai toujours été habile au lancer de hache mais avec une cible si minuscule… » Asha a un bon sens stratégique qui la différencie du reste, telle Cerys dans The Witcher, forte, intelligente, bienveillante… mais elle est face à un mur misogyne et violent qui rend toute son histoire bien tragique.

Victarion fait office pour moi de faire-valoir d’Asha dans un premier temps mais il est plus charismatique par la suite avec ses talents de guerrier, sa férocité, son sens de l’honneur… et surtout par sa rivalité avec Euron qui ne trouve pas de rival dans sa catégorie en fait dans la série et qui ici parle d’un cor destiné à prendre le contrôle d’un dragon, toute l’intrigue à venir avec Daenerys est introduite alors beaucoup plus tôt et avec beaucoup plus d’enjeux. Je trouve ça assez hallucinant que la série est mis en place cette intrigue avec autant de retard et dans une version aussi simpliste.

Du côté des Eyrié, il y a déjà moins de différences importantes, Sansa joue plus longtemps le rôle d’Alayne, Yohn Royce semble encore plus inflexible face à Baelish mais pour l’instant les personnages inédits dans cet arc sont plutôt transparents à mon goût et ça peine à être aussi captivant que le reste. Arya qui rencontre Sam faisant escale à Bravos, ça aurait été assez drôle à montrer à l’écran je pense, Aemon qui veut savoir pour les dragons avant de mourir ça rajoute un peu au personnage mais pour ce tome cet arc narratif non plus ne présente pas d’importantes différences.

Il en va de même pour les aventures de Brienne qui poursuivent gentiment ce qui a été initié dans le précédent tome en dehors de Lady Cœur de Pierre qui est introduit avec pas mal de mystères, via ce qui se raconte par les soldats et la population locale, tout comme ce que je pense être Nyméria conduisant une meute, j’aime assez bien cette narration. Ça mystifie bien d’entendre parler de tout ça via ces points de vue qui ont tendance à exagérer et / ou à détourner les faits, vu qu’on parle de phénomènes surnaturelles qui pourraient être naturels en réalité mais racontés de façon extravagante.

Cersei continue ses intrigues à Port-Réal sur le même ton, facilement contrariée et le supportant assez mal. Je note quand même l’évocation de son intérêt passé pour Rhaegar qui semblait dépasser la seule ambition de devenir reine en l’épousant, ça donne une autre lecture au personnage et à la rébellion de Robert, c’est toujours bon à prendre. Son hypothèse sur la complicité des Tyrell dans la fuite de Tyrion plutôt que dans l’assassinat de Joffrey justifie davantage pourquoi les relations vont à se point dégénérer là où les motifs de la série ne vont pas chercher aussi loin.

Il y a quelques éléments qui gravitent autour de Cersei qui sont également un peu plus riches, une introduction plus longue du grand moineau pour un deal un peu plus complexe avant qu’il ne se retrouve avec sa foi militante, plus d’enjeux politiques avec le nouveau conseil, les plans pour se débarrasser de John et de Margaery avec Osney, Qyburn qui réclame des cobayes vivants et pas seulement des animaux sans que la reine n’y voit de problème, Ilyn Payne qui est toujours un peu évoqué pour aller au-delà de son rôle de parfait bourreau…

Suivant le cheminement parfaitement opposé, Jaime prend la défense de Brienne en s’énervant plus que vivement aux blagues sur son physique, protège Pia sans rien en attendre en retour... j’aime assez cet effet où les deux personnages évoluent lentement dans deux directions parfaitement opposées de façon parfaitement naturelle et c’est très important pour le reste à suivre. En dehors de ça, des personnages comme Jon Connigton ou lady Amerei, exclusifs au livre, enrichissent un peu le propos mais jusque là je comprends parfaitement que la série ait fait l’impasse dessus.

En somme, les sables de Dorne développent énormément et efficacement l’intrigue du côté des Fers-Nés, dans une moindre proportion mais aussi bien les intrigues dorniennes. Pour le reste c’est assez sympathique mais ça suit son cours sans coup d’éclats si je puis dire. Tout à fait plaisant et intéressant mais pas aussi brillant que je l’espérais, ce onzième tome ne fera pas partie de mes préférés de la saga.