Un roman hybride

Je termine ce livre avec un sentiment partagé, double voire ambigu, ce qui n'a rien d'étonnant au bout de la lecture d'un recueil que je qualifierais d'hybride. En caricaturant un peu, je dirais que Leurs enfants après eux se classe entre le Houellebecq et le Levy, entre l'analyse pointue, précise et subtile d'un malaise social très contemporain et très provincial et le roman rose pour adolescent en quête de littérature à repères. C'est cette alternance permanente entre ces deux genres qui va expliquer mon sentiment étrange d'avoir aussi bien eu affaire à une oeuvre intelligente et sociale tout en ayant été rapidement traversé par un sentiment de lassitude quant aux aléas relationnels d'adolescences pas très intéressants et plombés de manière légèrement excessive par des références constantes à la culture populaire des 90's. Ces deux derniers aspects ont eu tendance, à mon sens, à appauvrir le récit, notamment à travers des dialogues assez creux et un style très familier qui aurait eu plus de sens s'il n'avait pas été utilisé que de manière sporadique.

Au-delà de ces détails, Leurs enfants après eux offre de vrais passages de belle littérature, de descriptions d'un monde de misères aussi pertinentes que précises qui expliquent à elles-seules un Goncourt étonnant mais pas immérité. Le croisement permanent des trois adolescences (Anthony, Hacine et Stef) issues de milieux différents mais animées par l'ennui dans une zone sinistrée de la Moselle et alourdies par le poids de l'héritage parental (ouvrier, immigré, bourgeois) a quelque chose d'intelligent et dynamise le récit.

Je ne sais pas si ce livre marquera la postérité mais il est indéniablement un excellent témoin des misères de notre époque, ce qui est une raison suffisante pour garnir les bibliothèques dans la durée.