Je n'aime pas vraiment cette idée de base qu'un homme ayant parcouru le monde est forcément un grand homme et qu'il convient d'en dresser le panégyrique. Ca m'avait déjà pas mal énervé avec Peste et Choléra qui pourtant a été maintes fois primé. Le personnage de ce livre au demeurant a découvert le bacille de la peste, autant dire que ses découvertes ont été indiscutablement utiles pour l'humanité. Après, concernant le fait qu'il ait touché à tout ne m'a pas plus ému que ça.
Ici, on parle de Limonov, un voyou, puis poète, puis valet de chambre, puis politicien et agitateur politique, puis militaire sur différents fronts de guerre, puis prisonnier, puis etc, etc. C'est vrai, sa vie est fascinante, mais malgré tout, on parle d'un personnage égoïste, pédant et surtout, surtout, qui regrette Staline, dresse un portrait affreusement gênant tant il est élogieux du dictateur Cauesescu, puis rebelote quand il encense Radovan Karadžić, etc. Il a eu de nombreuses déconvenues avec ses femmes, ce qui n'arrange pas le tableau.
Bref, c'est pénible. Et pour couronner le tout, c'est assez souvent vulgaire : on apprend que Limonov est fier de s'être fait sodomiser, qu'il avale son sperme quand il est ivre, qu'il trouve que la merde pue moins en Russie que je ne sais où....
Maintenant, tout n'est pas à jeter, et je veux ici tirer mon chapeau à Emmanuel Carrère qui a fait un travail pharaonique. De temps en temps, il nous lâche avec son héros insoutenable pour se lancer dans des petits condensés de géopolitique, très instructifs et très bien rédigés. Son écriture est par ailleurs agréable, rendant la découverte du personnage moins désagréable. Carrère l'a lui même dit, il a plusieurs fois annulé la rédaction de sa biographie tant il était écoeuré par le personnage. Fallait-il lui consacrer une oeuvre? Je ne sais pas...