Ah, putain, le sale livre.
Celui qu'on aurait voulu ne jamais lire. Celui ou notre Cavanna nous fait comprendre qu'à 90 ans passés et à cause de cette sale maladie qui l'accable désormais (Parkinson, dont les trop rares moments d'accalmie sont surnommés "lune de miel"), il s'agit sans aucun doute de son tout dernier livre.
L'écriture devient presque impossible (on le connait et il le dit, le garçon est allergique à tout autre technique que celle consistant à tenir un stylo et l'appliquer contre une feuille de papier), et la transcription de ses illisibles gribouillis tient, au fil du temps, de plus en plus du miracle.

Donc c'est sans doute le der des ders, et cette simple idée, pour un amoureux de Cavanna comme je le suis depuis tant d'années, est odieuse.

Ce sont donc des souvenirs, qui resurgissent pêle-mêle, la guerre, Maria, les années Hara-Kiri, Charlie-Hebdo, des réflexions sur la vie qui est désormais la sienne.
Le style est forcément là, et il est heureux de constater que si le corps perd pied peu à peu ("sa vieille carcasse") l'esprit reste sacrément vif et aiguisé, et la difficulté que ce dernier a à rejoindre le bout de la plume et le papier ne l'empêche pas de continuer à nous ravir avec la même drôlerie parfois féroce.

Et puis les dernières pages, en forme de conclusion d'une vie, nous prennent à la gorge, par leur lucidité, leur sincérité, la beauté de ces dernières réflexions d'un homme sur sa vie, une vie qui a ressemblé a peu d'autres, d'autant plus touchantes qu'on sait désormais que ce sont les dernières lignes de quelqu'un qu'on a tant aimé, et qu'on aimera encore jusqu'à notre propre fin.
Il à la fois presque insupportable et inespéré, tragique et magnifique de partager l'intimité d'un tel bonhomme pendant ses derniers instants (ses apparitions dans Charlie Hebdo se raréfient elles aussi) et on espère que cette fin sera la plus lointaine et sereine possible, même s'il ne peut plus nous faire partager sa vision pétillante et passionnante de la vie et de l'histoire.

Allez, Salut François.
Je ne te remercierai jamais assez pour tout ce que tu m'as apporté.
guyness
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Mon François à moi que j'aime ! et Citations

Créée

le 23 mars 2011

Critique lue 595 fois

8 j'aime

6 commentaires

guyness

Écrit par

Critique lue 595 fois

8
6

D'autres avis sur Lune de miel

Lune de miel
durandal
8

Critique de Lune de miel par durandal

Autant lire la critique de Guyness. Il dit très bien tout ce que j'avais envie de dire. Cette "miss Parkinson" dont parle Cavanna avec son style si caractéristique va me priver d'un auteur que...

le 9 déc. 2012

2 j'aime

Lune de miel
Histoiredevoir
7

Du bonus pour les passionnés

J'avais lu ce livre à sa sortie et je retombe dessus neuf ans plus tard, aucun souvenir (ce qui n'est pas bon signe) mais bon, ma mémoire me joue des tours alors je le relis ... le livre nous promène...

le 3 mai 2020

1 j'aime

Lune de miel
Mathy
8

Critique de Lune de miel par Mathy

Un homme, une histoire, une vie ; et le temps qui file. Il nous fait comprendre que le temps passe, sans oublier de nous raconter des choses drôles, moins drôles, mais toujours racontées "à sa...

le 9 avr. 2011

1 j'aime

Du même critique

Django Unchained
guyness
8

Quentin, talent finaud

Tarantino est un cinéphile énigmatique. Considéré pour son amour du cinéma bis (ou de genre), le garçon se révèle être, au détours d'interviews dignes de ce nom, un véritable boulimique de tous les...

le 17 janv. 2013

343 j'aime

51

Les 8 Salopards
guyness
9

Classe de neige

Il n'est finalement pas étonnant que Tarantino ait demandé aux salles qui souhaitent diffuser son dernier film en avant-première des conditions que ses détracteurs pourraient considérer comme...

le 31 déc. 2015

314 j'aime

43

Interstellar
guyness
4

Tes désirs sont désordres

Christopher navigue un peu seul, loin au-dessus d’une marée basse qui, en se retirant, laisse la grise grève exposer les carcasses de vieux crabes comme Michael Bay ou les étoiles de mers mortes de...

le 12 nov. 2014

296 j'aime

141