Ce livre récent, offert à Noël sans quoi je ne l’aurais jamais lu, est très peu connu et je me demande si quelqu’un s’intéressa à cette critique, mais sait-on jamais si quelqu’un passe par là…

Alexandre Jardin, auteur français, écrit dans ce livre l’adulation qu’il voue à trois personnalités célèbres : le comédien Sacha Guitry, le héros de la Résistance Charles de Gaulle, et le séducteur Casanova. Mais les raisons qui le poussent à les aduler ainsi résultent de réflexions qui lui sont propres et trop personnels pour que ça nous parle vraiment. D’autant que certaines références peuvent être obscures pour celui comme moi qui a des lacunes en histoire et en politique. Alexandre Jardin a grandi dans une famille un peu particulière, où vivre avec excès est un principe qui lui tient à cœur. C’est également d’après lui une qualité qui dépeint la France et qui lui manque cruellement en ce moment. La France devrait retrouver son audace d’antan et resplendir à nouveau dans le monde… Et ces trois personnalités illustreraient à merveille cette capacité.
Je ne peux m’empêcher d’être en désaccord sur plusieurs avis de l’auteur. Si le caractère particulier de De Gaule rencontra son époque, en d’autres circonstances cela serait devenu de la folie ou un orgueil démesuré. Il vante l’art de Casanova de vivre à fond chaque jour et de ne penser que pour le plaisir, mais on ne peut raisonnablement penser à ce que chacun vive ainsi.
Au-delà de ces considérations très personnelles, c’est tout de même l’occasion d’en apprendre d’avantage sur ces trois hommes célèbres. Même si je me demande où est la réalité historique derrière ces faits racontés de façon éminemment subjective…
De plus, l’auteur se répète souvent et ces réflexions deviennent souvent redondantes, et traînent en longueur (surtout la partie sur Guitry).

Sacha Guitry, comédien exubérant devenu célèbre pour son art de mélanger la réalité et la fiction, pour raconter sur scène ce qu’il vit en privé, et dans sa vie quotidienne se mettre subitement à jouer un rôle et à transformer la réalité en pièce de théâtre. Il y avait, disait-il, plus de vérités sur scène que dans la vie de tous les jours. Il n’était pas rare de le voir affubler de costumes plus extravagants les uns que les autres. Guitry avait aussi la capacité de jouer plusieurs rôles, et pas seulement le sien. Totalement détaché du réel, ce caractère qui l’a transformé en comédien célèbre n’était pas sans contrepartie : il n’était pas évident pour ces compagnes éphémères de vivre avec un tel personnage. Et surtout son comportement décalé fut très mal supporté durant l’Occupation. Pire encore, quand il réalisa qu’il avait tout intérêt à s’impliquer dans l’actualité, il apporta son soutien… au régime de Vichy !
C’est un constat qui revient souvent, les grands hommes ne sont pas exempts de travers, alcooliques ou penchants sexuels déviants, les mêmes parfois à l’origine de leur renommée. Le maréchal Pétain, avant de livrer la France, avait d’ailleurs été un héros de la première guerre mondiale…

Charles de Gaulle, un homme haut en couleur. Refusant de s’incliner devant la stricte hiérarchie militaire qu’il était pourtant censé respecter, il critique avant l’heure la mauvaise stratégie de la défense. Très attaché à son pays, il décide de se sacrifier totalement pour elle, d’être celui qui aidera la nation quand elle aura besoin de lui, et de tout faire pour tenir ce rôle.
C’est cette capacité à incarner ce rôle qu’il s’est lui-même attribué qui est à l’origine de l’adoration de l’auteur. Sans craintes de se faire des ennemis par son insolence, perdant tout son statut et ses privilèges, condamné à mort par son propre pays, il reste droit et intègre, refusant de céder, forçant ses interlocuteurs à voir la réalité en face et à cesser de s’illusionner, devenant par l’occasion la voix de la Résistance. Affichant une audace monstre, il ne fait aucun compromis à l’Angleterre allié, se comportant comme représentant d’un pays encore debout qui ne serait pas envahit. Ce comportement qui aurait pu passer pour de l’orgueil démesuré devint pour cette époque salutaire. Quand l’Angleterre coula des navires français, de Gaule contint sa colère et accepta de s’allier avec Churchill dans l’intérêt de la France. Même si sa façon de penser l’amena à proférer des déclarations plutôt choquantes…
D’après l’auteur, il faudrait un homme de cette trempe à la place de nos dirigeants trop timorés.

Enfin, Casanova illustre à merveille l’art de profiter à fond de la vie, de vivre au jour le jour. Que l’auteur idolâtre un personnage aussi opposé à De Gaule est franchement paradoxal, mais n’est-ce pas justement dans ces paradoxes et ces contradictions que se révèlent la richesse de l’homme ?
Accusé à tort d’être un don juan manipulateur et accro aux coucheries, Giacomo respectait en réalité les femmes et s’afférait à répondre à leur désir, à une époque qui faisait peu de cas de l’attachement et de la condition féminine. Relativisant l’adversité, il conservait son optimisme et sa joie de vivre en toute circonstance, fut-il emprisonné à cause de quelques puissants. Il ne se pliait à aucune loi ni aucune morale pour vivre selon ses principes. Un comportement qui n’est pas là encore sans travers : il s’affiche en effet comme un partisan de l’inceste !

Un livre, qui malgré ses défauts et les considérations personnelles de l’auteur, contient malgré tout quelques réflexions intéressantes, tout en apportant quelques informations historiques bienvenues.
Enlak
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le 9 avr. 2014

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