Plouk town
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Plouk town

livre de I. Monk ()

«La pauvreté te cogne la gueule à Plouk Town» mais sous la plume de Ian Monk, le barman alcoolique, le marchand de légumes, le type en jogging qui promène son pitbull, le guichet de la Poste, les apparts HLM, le parking du Champion, les Caddies renversés, les kirs, les Morpions, les bistrots, les mégots et même les crottes de chien, la crasse, les clochards, deviennent en vers une matière aérienne.

«au sous-sol une héroïne de la chanson française
au septième un cadre dynamique si sûr de lui
au rez-de-chaussée une famille de bourges coincés
au sixième un bricoleur qui commence à s’agiter
au premier un monsieur tout seul regarde la télévision
au cinquième un vieux couple qui s’emmerde grave
au deuxième y a plus personne sauf la poussière
au quatrième une bande de jeune commence à décoller
au troisième une jeune maman couche ses trois enfants
au troisième elle chante une berceuse eux gueulent encore
au sous-sol elle s’assoit avec sa bouteille
au quatrième on ouvre enfin le pack de kro
au septième la dynamique épaule gauche commence à picoter
au deuxième la poussière s’accumule sur les meubles
au rez-de-chaussée on parle pas on prie
au cinquième le mari traite sa femme de connasse
au sixième le bricoleur commence à planter les clous
au premier la télévision raconte une histoire de fesses
au premier la télévision passe une musique de fesses
au troisième elle murmure doucement le petit s’enrage
au sixième le bricoleur continue à planter les clous
au sous-sol elle tousse puis allume une clope
au cinquième la femme traite son mari d’enculé
au quatrième on met un tube de Public Enemy
au rez-de-chaussée on écoute une messe radiophonique
au septième il met un disque de relaxation transcendentale
au deuxième la poussière fait swoosh dans le vent
au deuxième la poussière chatouille les narines des fantômes
au premier la télévision passe un claquement de fesses
au septième son épaule commence à creuser sa poitrine
au troisième elle murmure moins doucement le grand gueule
au rez-de-chaussée la messe vire plus musicale
au sixième le bricoleur cloue cloue cloue et cloue
au quatrième on remet un disque de Public Enemy
au sous-sol elle écrase sa clope et recommence
au cinquième le mari exige que la salope le suce
au cinquième la salope l’envoie branler la bite
au deuxième atchoum les fantômes éternuent un bon coup
au sous-sol elle reboit un coup puis soupire
au premier la télévision diffuse une pénétration de fesses
au quatrième on enlève le disque de Public Enemy
au septième son cœur s’emballe la musique stagne
au sixième les clous les clous les clous les
au troisième celui du milieu geint la mère pleure
au rez-de-chaussée la musique fond en sermon
au rez-de-chaussée le sermon fond en litanie
au cinquième l’enculé sort sa perceuse et perce
au troisième les trois maintenant gueulent comme putes pourries
au deuxième ratchoum les mouches elles aussi éternuent fort
au sixième le bricoleur arrête et cogne par terre
au sous-sol elle met le casque du walkman
au septième son cœur cogne maintenant entre ses orteils
au premier la télévision secoue la chair des fesses
au quatrième on danse chimiquement sur les Chemical Brothers
au quatrième entre morceaux on entend gens qui braillent
au rez-de chaussée la litanie fond en bénédiction
au premier la télévision montre les boutons des fesses
au cinquième la salope sort son moulin et mouline
au septième il entend ses tripes qui montent qui
au troisième elle commence à s’énerver mais grave
au sous-sol c’est cidre bouche à bouche
au deuxième les mouches redescendent sur leur pique-nique
au sixième le bricoleur va chercher sa perceuse aussi
au sixième il perce pour faire chier lui aussi
au quatrième on remet Public Enemy encore plus fort
au deuxième la poussière redescend swoosh sur les mouches
au rez-de-chaussée la bénédiction fond en ennui
au sous-sol la voix de Gainsbourg la remplit
au premier la télévision déclenche les boutons des fesses
au troisième elle crie ça suffit maintenant ça suffit
au cinquième on perce et on mouline encore encore
au septième le cœur réverbère dans l’appart entier
au septième Etienne Charon meurt d’une crise cardiaque
au sixième Jean-Louis Duparc perce un câble électrique
au cinquième Pierrette et Albert font lit à part
au quatrième Jean Virginie Claude resniffent de la colle
au troisième Caroline passe à l’acte et cogne
au deuxième Madame Dussolier régale encore mouches et asticots
au premier Claude Martin jouit dans des fesses imaginaires
au rez-de-chaussée les Dubreton refont un enfant
au sous-sol Mélodie Nelson vide son dernier verre »

Plouk town, c’est le cafard et la crasse sans misérabilisme, c’est drôle, c’est cru mais aussi implacable, c’est humain, c’est grand, c’est un tour de force, et quand on essaie d’en parler avec des mots aériens on se sent plutôt Plouk.
MarianneL
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le 1 août 2013

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