Quand l’art investit la ville ou Parfois, les gars dans le camion et moi, on a envie de remplir le van de dynamite et de le conduire jusqu’au milieu du Palais des Congrès. Mais, au final, je sais que tout le monde pensera que c’était juste une performance artistique : un titre étrange ? Mais d’autres passages pourraient tout aussi bien lui tenir lieu de titres, par exemple « Je repensai à la performance organisée par Crabapple et à cette image qui résumait à elle seule toute la semaine d’Art Basel : quatre mannequins glamour et un rockeur nain, posant comme si le temps s’était arrêté devant dix personnes qui tentent avec grande concentration de les dessiner, elles-mêmes entourées d’un cercle de cinquante personnes les photographiant en train de dessiner » (p. 51).
Le titre retenu a le mérite de bien résumer ce long article, à l’origine intitulé plus sobrement The Return to Miami. Il y est question d’Art Basel, une foire artistique tenue chaque année non à Bâle, mais à Miami. Erick Lyle a à cœur de mettre en lumière toute l’absurdité d’un système – l’art contemporain – dont la logique est si compromise avec celle du libéralisme, notamment avec la spéculation immobilière qu’on finit par se demander si c’est le libéralisme qui récupère l’art contemporain ou si ce n’est pas l’inverse.
Mais l’auteur ne se pose pas la question ; il n’interroge pas davantage les sources d’une telle compromission, ni ses liens avec le langage, ni le rôle qu’y jouent les différents acteurs – artistes, spectateurs, galeristes, mécènes, etc. C’est tout juste s’il évoque (p. 45) l’« aura d’invulnérabilité » qui « semble rendre Art Basel imperméable à toute critique » ou se demande (p. 51) « Quels avaient été les derniers mots des historiens de l’Atlantide ? » (1).
Car Erick Lyle ne semble pas un théoricien, ni même un analyste – en tout cas pour des analyses approfondies. Son point fort, c’est plutôt l’évocation de scènes sur le vif, avec un sens de la brièveté et du raccourci qui peut faire mouche : « En regardant le parrain du punk [Iggy Pop] poser avec Danger Mouse pour les photographes, je songeai à la cité de l’art, aux œuvres de Jackson Pollock et de Donald Judd enfin réunies sur le parquet de l’exposition, et j’eus la désagréable sensation qu’Internet s’était matérialisé » (p. 20). Oui, je crois qu’on en est arrivés là.
(1) À quel point cette dernière question relève – sans doute malgré les intentions d’un auteur qui n’est pas vraiment un chantre du libéralisme – de l’inquiétude typiquement états-unienne qu’est la peur d’une décadence comme à la romaine, c’est ce dont je laisse le lecteur juge.

Alcofribas
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le 9 nov. 2019

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