Il faut bien l'avouer d'entrée de jeu: je n'aime pas les féministes et les théories que l'on nous ressasse encore et encore depuis un très lointain Mai 68 (et encore, je suis généreux) sans prendre en compte le fait qu'une société évolue, et en ce qui concerne le sujet qui nous préoccupe, pas forcément en mal. "Mais c'est parce que rien n'a changé depuis !" diront certaines (et certains). Paix à leur âme.

Ma première approche de "Reflets dans un œil d'homme" s'est faite grâce à la télévision et la radio. En écoutant Mrs.Huston présenter son livre, je me suis dit "pourquoi pas, elle a l'air d'apporter enfin quelque chose de moderne au sujet, et c'est ce que j'attendais. Essayons _ "encore", devrais-je ajouter; j'avais en effet déjà eu affaire à "Professeurs de désespoir" auparavant et ce n'était pas encourageant_."

Et j'ai essayé, il faut me croire, mais "l'écrivaine" a eu raison de moi à la page 165. C'est tout de même la moitié ! Pas si mal finalement pour un roman autobiographique (si, si, d'ailleurs il n'est pas précisé "essai" sur la couverture) parsemé ça et là de quelques anecdotes particulièrement bien choisies et représentatives de nos comportement à tous.

Évidemment, Nancy Huston ne pense pas une seule seconde qu'elle appartient à un milieu bien particulier dont les mœurs et les pratiques ne sont pas représentatives de celles de la vie du crétin moyen (dont je suis pour une fois assez heureux de faire partie, me voilà épargné).

Nous aurons donc droit à des exemples tels que :
« S. a rencontré encore beaucoup d'exhibitionnistes... », « V. aussi a été défloré par un viol », « C. m'a raconté sa rencontre avec le serial killer Guy Georges ». Des cas d'école donc. Oui, mais non, car il faut savoir que S., V. et C. sont de belles femmes. On peut donc en déduire, lorsqu'on s'appelle Nancy Huston, que la beauté suscite la violence (à partir de trois exemples et aucun argument, il fallait oser...).

Nous aurons également droit à l'exemple de Jean Seberg, vous et moi donc, qui nous apprend, au bout d'un long résumé de sa vie, qu'elle n'a pas été une femme heureuse. Et ?... Et rien, c'est tout. Jean Seberg n'a pas été une femme heureuse. Fin de l'anecdote. On n'apprendra rien de plus. Tant pi.

Je passe sur d'autres exemples dont, on se doute, Nancy est allé vérifier toute seule la véracité : « Chaque année, 250 000 fillettes américaines [destinées à participer à des concours de miss] (recrutées pour l'essentiel dans les classes populaires) subissent un entraînement qui, par ses contraintes, n'a rien à envier à celui des enfants soldats dans le Tiers Monde. » Applaudissements ! Nous n'avons pas demandé aux enfants soldats ce qu'ils en pensaient.

Nous en sommes déjà à la page 144, et outre ces exemples, nous avons dû supporter depuis le début le « vous » de l'auteur. Au hasard: « Vous n'avez toujours pas le droit de vous maquiller[...] », « Vous même, à dix-neuf ans[...] », et les exemples pullulent. Ce « vous » est en fait un « je » plus ou moins déguisé, sensé représenter la vie d'un femme moderne et les questions qu'elle se pose. La vie de Nancy Huston est donc la vie de toutes les femmes, et toutes les femmes se posent les mêmes questions que Nancy Huston. Fin de la partie autobiographique...

...et début de celle sur la psychanalyse et la petite enfance. Nancy Huston est de gauche et vie à Paris. Elle a donc pensé à ses lecteurs : « N'empêche : si l'on gratte la surface, l'enfant est là. La fillette est là sous la pute, et le garçonnet sous le caïd : effrayés, paniqués, furieux, aux abois, béants de besoins, sauvagement en manque d'amour. »
Quelle profondeur ! Quels poncifs ! Les traumatismes et la petite enfance. Ça vous manquait ?

Alors voilà, pour résumer « Reflets dans un œil d'homme », je citerais juste un dernier extrait dans lequel notre amie Nancy a pris soin de tout mettre (sauf le « vous », je vous l'accorde). Il s'agit de la conclusion du passage concernant Jean Seberg :
« Pour qu'une femme [Jean Seberg, vous et moi donc] se laisse endommager à ce point, pour que se répètent ainsi au long de sa vie d'adulte des situations d'exploitation et de violence, il ne suffit pas qu'elle soit très belle [la beauté entraîne la violence, si vous avez bien suivi, on ne sait toujours pourquoi mais c'est quand même une évidence], il faut aussi qu'elle ait été esquintée pendant son enfance [psychanalyse de circonstance, pour toi public]. Sans savoir de quelle manière (aucune de ses biographies que j'ai lues n'aborde la question en profondeur) [Nancy ne sait pas...], je me dis que ce doit être le cas de Seberg aussi ; sans cela, sa tragédie est incompréhensible [...mais quand même, il ne peut en être autrement]. »

Chapeau bas.

Tripalium
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le 20 juin 2012

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