A mort la Bête ! Qu'on l'égorge ! Qu'on la saigne !

A travers l'aventure d'enfants britanniques naufragés sur une île déserte du Pacifique, William Golding dresse en filigrane une satire de l'être humain en société et de ses penchants pour la violence et la décadence. C'est astucieux et prenant car le tout est noyé dans un cadre paradisiaque où on suit des gosses âgés de 6 à 12ans qui sont tiraillés entre l'amusement et le sérieux qu'exige ce genre de situation; être livré à soi même dans un environnement inconnu et sans aucune présence adulte...

Après la présentation des trois personnages principaux du roman, à savoir Ralph, Jack et Porcinet, le roman fonce vers son articulation principale; le rôle du chef. Quel enfant va commander ses pairs ? Les choix sont tranchés et renvoient à des archétypes bien définis : le bon sens organisationnel de Ralph, la fougue et la virulence de Jack ou la froide intelligence de Porcinet qui, malheureusement, est dépourvu de charisme. C'est Ralph qui sera unanimement désigné chef car il aura fédéré les enfants autour d'une conque symbolisant le rassemblement.

A partir de là, les tâches seront partagées entre la chasse pour se nourrir, l'entretien du feu pour signaler sa présence aux éventuels bateaux, l'édification de cabanes pour se loger et l'approvisionnement en eau. Sur le papier, tout semble rouler. Ralph est un gosse pragmatique et possède les qualités naturels inhérentes à un bon leader apte à fédérer derrière un projet; celui de survivre sur l'île dans de bonnes conditions tout en ne perdant pas de vue l'objectif principal qui est de quitter l'île.

Mais dans les faits ça ne se passe jamais ainsi et Ralph est rapidement confronté à de l'insubordination et à de la démotivation. Il faut dire aussi que là on parle de gosses et que s'amuser dans l'eau turquoise ou sur la plage à faire des châteaux c'est tout de même plus attrayant que de ramasser du bois ou entretenir toute la journée un feu... Et puis il y a le groupe de chasse de Jack qui commence à gagner des partisans. Eh oui, Jack est un chasseur, il traque des cochons, les saigne et amène de la viande aux naufragés. Il est dans l'action quand Ralph s'enlise dans la réflexion. Ces deux modèles antagonistes vont donc naturellement s'opposer et cela va engendrer l'inévitable décadence de la société.

Ce petit coin de paradis perdu au milieu du Pacifique va devenir un enfer.

A la fin du bouquin, je me suis demandé ce qui se serait passé si ça n'avait pas été des gosses sur l'île mais des adultes. Honnêtement ? Exactement la même chose. Ca aurait même dégénéré beaucoup plus vite. Ici ce sont des enfants bien éduqués à la mode "collège anglais" qui ne savent pas encore que l'homme est un loup pour l'homme. Ils n'ont pas assez de recul. Et je dis ça pour le clan du pragmatisme ET pour celui de l'amusement et de l'action. Entre adultes, j'aurais pas donné deux jours à la communauté avant qu'elle ne découvre ses premiers corps sans vie abandonnés sur la plage...

Si vous lisez ce livre, ce que je vous invite à faire car il se lit très bien, je pense que vous en arriverez aux mêmes conclusions. Ou du moins, l'évolution de cette société ne vous étonnera pas des masses. D'autant plus que l'auteur situe l'intrigue pendant la seconde Guerre Mondiale et que le parallèle avec la montée des extrêmes est assez évident. Une démocratie impuissante face à la montée d'un totalitarisme avenant et plein de promesses. Les notions de savoir et d'intelligence écrasés pour mieux contrôler la masse et asseoir son autorité sur un peuple qui n'a plus d'autres alternatives que de suivre (celui qui parle) le plus fort.

Bref, comme je le disais plus haut, ce livre se lit bien et reste divertissant.
Je n'ose pas dire que c'est une "belle" aventure humaine compte tenu de ce qui s'y passe mais ce qui est sûr c'est que c'est clairement un livre qui s'adresse à l'Homme. Et c'est (malheureusement) un livre dont le propos est toujours d'actualité....
MarlBourreau
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le 10 oct. 2014

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MarlBourreau

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