Prix Goncourt 2011 pour l’Art français de la guerre, Alexis Jenni avec ce titre ne m’avait pas du tout convaincu, ni par ses propos, ni par son style. Mais, poussé par @jalkin d’abord et Philou33 ensuite, j’ai ajouté un nouveau titre de cet auteur sur ma pile, étant en cela fidèle à moi-même et cherchant toujours à ne pas me priver d’une rencontre littéraire avec un auteur sans lui et me laisser au moins une deuxième chance.
L’expérience fut, cette fois bien plus riche et agréable. Je suis entré, assez facilement, dans la proposition de Alexis Jenni d’interroger la foi pour le biais des sensations, des sens qui illuminent nos vies, goûter, voir, entendre, sentir, toucher et parler. Comprendre que la foi n’est pas une démarche de raison raisonnante mais un cheminement expérimental inséré dans nos vis d’hommes et de femmes. Chacun dans les limites de qui il est et de ses disponibilités du moment. La seule idée qui importe est de prendre cette grande respiration que nous inspire la foi, de l’amplifier encore et de la partager. Car la foi est affaire de partage, de vivre ensemble.
Et dans un dernier chapitre donnant son titre à cet essai, Alexis Jenni développe la sagesse qui permet de penser que
« L’image que l’on contemple sur le suaire n’est pas l’empreinte plus ou moins mal prise d’un seul visage, par moyen technique ou par miracle, mais la superposition d’une infinité de visages, de tous les visages successifs de l’humanité, vus en une seule fois. »

Et, quelques pages plus loin, après avoir ancré sa pensée, sa recherche dans d’autres grandes religions que le catholicisme, Alexis Jenni, se basant sur l’expérience que tout un chacun a pu réaliser maintes fois, affirmera cette vérité toute simple :
« Voir nécessite du recul, du champ, de la distance ; et si je m’approche vraiment de toi, voir ne me sert plus de rien. Tout se déforme, se décale, ton merveilleux visage disparaît, ne te ressemble plus et pourtant tu es là, toute proche, et c’est à ce moment-là que tout se passe, bien plus que lorsque je te regardais d’un peu loin. De loin, j’étais émerveillé, et de près je t’aime. Et cet amour me dit qui tu es, et m’apprend qui nous sommes. »
On aura pu s’en rendre compte en lisant ces extraits. Le phrasé de Alexis Jenni est toujours long. Il s’étire mais non pour se délayer dans un verbiage complexe ou abyssal mais pour assurer le tour de la question et poser le sujet au centre. J’ai, cette fois, vraiment apprécié le fond et la forme des propos de l’auteur.
« Son visage et le tien », un de ces petits bouquins qui nourrissent l’Homme et lui donne de rencontrer Dieu.

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le 18 nov. 2020

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