The Fighting Temeraire tugged to her last berth to be broken up

Joseph Mallord William Turner achève, en 1838, *The Fighting Temeraire * Agé de 63 ans, le maître prendra sa retraite définitive six ans plus tard. Il se sait sur le déclin, mais tient sa Grande œuvre, le plus beau tableau du monde, selon les Britanniques, moi et Turner lui-même. Ne l’appelait-il pas « my darling » ?


Le Téméraire est un vaisseau. Les Anglais n’ignorent pas, en marins accomplis, que les bateaux ont des âmes et que celle du Téméraire était intrépide, il sauva Victory de Nelson à Trafalgar ! Les vaisseaux possèdent une âme, mais aussi un cœur qui prend de l’âge. Obsolète, Le Téméraire est condamné à la démolition. Tiré par un obscur remorqueur, le vieux guerrier prend la mer pour un ultime voyage. Les années ont passé, la marine à voile et la rame n’est plus, place à la vapeur et à l’acier. Ce qui pourrait être un funèbre enterrement sous la pluie et dans la brume se mue, par la grâce de Turner, en une improbable symphonie de couleurs, de jaunes et de rouges orangés. La Manche prend feu, le ciel pavoise, les ors et les accastillages du Téméraire scintillent et le lourd voilier s’avance majestueux et magnifique. Point d’homme pour saluer le héros, mais le silence de la nuit tombante troublée par les ahanements de la chaudière du vapeur et le bruit du ressac.


Turner joue de couleurs de base bleue et jaune et de leurs valeurs comprimées (rembrunies, dirait Goethe, en rouge) ou éclaircies en blancs et jaunes pâles. L’horizon s’assombrit, tandis que le ciel a conservé de sa bleuté, voire se fond, au loin, dans le blanc pâle des nuages. La totalité de la palette des couleurs se retrouve, comme résumée, près des navires.


Les grincheux rétorqueront que Turner compose bizarrement sa toile, déportant les cinq navires sur le tiers de gauche et consacrant l’essentiel de son travail au soleil couchant et à un fascinant jeu de reflets sur la mer, les nuages et la ville endormie. Pis encore, l’antique trois-mats n’était plus alors qu’un sombre ponton pourri, démâté et dévoré par les tarets. Turner fabule… certes, c’est exact.
C’est de l’art.


PS Cette critique porte, vous l’avez compris, plus sur la couverture que sur l’ouvrage qui ne manque certainement d’intérêt.


PS C’est objectivement du détournement de livre, une pratique auquel maître Piero m’initia.

SBoisse
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le 16 mai 2017

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Step de Boisse

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