"Ce n’est pas un avion, c’est un violon, un vrai violon. Un engin à jouer du Tchaïkovski."

L’ouvrage publié en 1947 a été écrit par un écrivain et journaliste qui, pendant la guerre, relatait les épisodes et faits marquants de l’armée russe. En tant que lieutenant colonel, il voyage à Stalingrad, Koursk, Prague... Il rencontre des témoins et écrit tout ce qu’il voit à la Pravda, le journal officiel du Parti communiste qui servait à l’époque de soutien moral aux populations.


Dans ce bouquin plus précisément, il est question d’un aviateur russe qui a vraiment existé, Alexis Méressiev ou Maressiev en fonction de l’orthographe. Le roman commence au moment où il vient de chuter de son avion à la suite d’une attaque par des Messerschmidts qui l’ont pris en étau double. Il se blesse grièvement, ses deux jambes sont boursouflées et brisées (je vous passe les détails, mais c’est très bien décrit dans le livre…). Il arrive par différents biais, en titubant, rampant, glissant… à regagner les lignes soviétiques. Il se nourrit de jeune écorce de pin, de bourgeons de bouleaux, il se fait du thé en faisant bouillir des feuilles d'airelle, il tue carrément un ours (The revenant en version russe). Il est recueilli par des villageois réfugiés dans une forêt, et c’est le début d’un long cheminement physique, psychologique où cet "homme véritable" veut à tout prix, malgré la perte de ses deux jambes, remonter dans un avion et voler.


C’est l’histoire d’un être vivant et de sa volonté féroce de vouloir regagner son humanité par ce qui le définit, en l’occurrence ici, par le fait d’être aviateur.


C’est beau, c’est bien écrit, c’est émouvant, et ce livre mériterait d’être plus connu.


Boris Polévoï dans son épilogue, explique qu’il a rencontré Méressiev à la fin de la bataille d’Orel. L’aviateur lui raconte toute son histoire et, à partir des carnets griffonnés, Polévoï en fait la trame principale de son roman. Alors oui, on peut se dire qu’il y a un mélange d’historique et de fiction, que tout n’est pas forcément vrai, qu’il y a toujours une part d’imagination, de reconstruction (et de propagande, ne soyons pas dupes, Polevoï reçut le prix Staline et le bouquin devint un classique incontournable chez les petits écoliers russes) chez un romancier…


N’empêche qu’il dévoile aux Occidentaux des détails insoupçonnés sur le vécu de la guerre à l’Est. Le vécu des civils, les progrès fulgurants de l’aviation russe pour enfin venir à bout des fameux Junkers 87, la résistance psychologique des Russes face à une guerre dont ils ne voient pas la fin…Dans la même veine et pour compléter cette lecture, je vous conseille "La guerre n'a pas un visage de femme" de Svetlana Aleksievitch, livre qui m'a marquée à VIE.


Dès sa publication, le livre est un grand succès. Traduit en 49 langues, réédité de nombreuses fois, il est adapté très rapidement en opéra par Prokofiev et en film par Stolper.


Le premier concerné, Maréssiev était pourtant désorienté face à la notoriété du livre. Son fils dira plus tard : "Mon père n’aimait pas l’attention qu’il suscitait suite à la sortie du livre et du film. Il disait : "Il y a des tas de gens comme moi qui n’ont pas eu leur Polevoï." "

Ethnarra2302
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le 1 déc. 2017

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