Si Nathanaël Dupré La Tour n'avait pas été emporté en 2013 par un tragique accident de la route à l'âge de 35 ans, il me parait évident qu'il aurait pu devenir l'un des grands intellectuels conservateurs français de notre temps. Grand, car loin de se prévaloir d'une soi-disant liberté de penser face au politiquement correct libéral ambiant - ce qui relève plus du réactionnaire, qui par son caractère intrinsèquement indigné n'a que peu d'intérêt -, il proposait dans son premier essai "L'instinct de conservation" une subtile et humble idée du conservatisme - qui cherche simplement à continuer -, et au prix d'une rigoureuse démonstration, réhabilitait de fort belle manière les notions de "morale", "ordre" et "vergogne".
Des essais brillants rédigés en marge d'une carrière professionnelle qui s'annonçait non moins brillante, bref c'était un type à suivre.


"Une année au foyer", publié à titre posthume, se voulait être une parenthèse dans sa vie intellectuelle et professionnelle puisque qu'il s'agit d'un simple témoignage de vie de père au foyer à laquelle l'auteur s'est retrouvé contraint durant un an, pendant que sa femme Diane - qui est au reste co-fondatrice de la merveilleuse initiative "Les Petites Cantines" à Lyon - travaille à l'extérieur. Terrible échange des genres pour un conservateur aguerri !...


Par ce petit livre, N Dupré La Tour convertit son épreuve en un compendium drôlissime de la vie de famille. Belle ode au foyer, l'ouvrage nous livre de nombreuses anecdotes savoureuses, pleines d'autodérision et agrémentées d'un humour que ne renierait pas le non moins regretté Marcel Gotlib, ce qui ne gâte rien.
Je citerais un simple exemple pour illustrer les belles références du récit : dans une scolie, l'auteur compare son incompétence absolue en matière de bricolage à celle de René Goscinny en jardinage. A son ami Morris qui le sollicitait pour l'aider à jardiner chez lui, ce dernier aurait répondu : "Je ne te propose pas mon aide car j'ai appris seulement récemment que les fraises ne poussaient pas dans les arbres mais bien sur le sol, comme les poires".


Que voulez-vous de plus pour me ravir ?

Wlade
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le 10 sept. 2019

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Wlade

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