Très intéressant ce livre, dommage pour la fin ! Ceci dit, je m'attendais à bien pire après avoir lu la préface ; en effet, je m'attendais à un récit ultramisérabiliste avec une héroïne s'en prenant constamment plein dans la tronche pouvoir rien faire contre ça. Heureusement, Maupassant est un peu plus malin que ça.
Le récit m'a plu pour ses 10 premiers chapitres. L'auteur nous raconte la vie de Jeanne, et si ça reste quelque chose de très 'normal' (pas de grosse aventure comme dans un livre sur la piraterie par exemple), il n'empêche que ça reste captivant. Ce n'est pas misérabiliste parce qu'à chaque coup dur, l'héroïne retombe plus ou moins sur ses pattes, se trouve une source de contentement. Elle ne fait donc pas que souffrir tout du long. Et cela rejoint ce que je pense du malheur : il est difficile d'être réellement constamment malheureux. Je pense que même au plus bas, on finit toujours pas trouver une source de plaisir. Koestler, qui a été enfermé en prison, parle d'une 'routine' : c'est aussi vrai, même dans le pire des cas on finit par trouver un moyen de se détacher, un moyen de relativiser... c'est à cela que sert une routine, au fond, à contrer le malheur en anticipant d'autres bonheurs, des petits plaisirs, certes, mais des plaisirs quand même.
Et puis Maupassant fout en l'air toute ma théorie mais aussi toute mon appréciation de son oeuvre (même si je trouvais tout de même qu'il n'allait pas assez loin, comme par exemple au niveau du sexe, après une première nuit parfaitement décrite, il est regrettable que l'auteur se montre timide à ce sujet). En effet, les quatre derniers chapitres ne font que montrer l'héroïne malheureuse, accuser toujours plus de défaites et de malheurs. Le retour de Rosaline aide un peu à remonter le niveau, mais ça reste de l’apitoiement lamentable. C'est d'ailleurs assez amusant de remarquer que ces derniers chapitres sont moins bien racontés : Maupassant se contente des faits, va à l'essentiel là où il se démenait un peu plus pour approfondir les situations auparavant. Le chapitre 11 est un bon exemple à cet égard : l'auteur ne fait que compiler des points négatifs en de courtes phrases ou courtes descriptions.
Parlons-en des descriptions. Pour moi, c'est par la description (ou son absence) que l'on peut juger de la qualité d'un roman. J'exagère un peu, bien sûr, mais pas tant que ça : si un auteur passe son temps à décrire des choses inutiles et/ou inutilement ou bien qu'il les décrit maladroitement, cela casse le rythme de lecture. Ici, j'ai eu un peu peur des envolées de Maupassant durant les premières pages et puis je me suis laissé prendre par son lyrisme : il est à fond dans son idée et il la développe plus que convenablement. Ces description du merveilleux, elles sont utiles car elles contrastent avec les malheurs à venir. On début le roman en s'imaginant un conte de fée et on termine dans la pire gadoue qui soit. C'est tout bête mais c'est malin !
De plus, il y a certains passages qui indisposent légèrement, comme la description des amants morts retrouvés, écrasés, émiettés suite à une longue chute. C'est assez étonnant une description aussi morbide en plein milieu du roman. Par contre comme dit plus haut, je suis très déçu que les passages sur la découverte du sexe ne soient pas plus approfondis. Je comprends que c'est un peu l'époque qui veut ça... mais vu comment Maupassant raconte la première nuit des jeunes mariés, je m'attendais à ce qu'il poursuive dans cette voie ; au lieu de ça, il expédie bien trop vite les autres scènes à venir.
Les personnages sont assez intéressants, bien caractérisés (quoique Petit Père perd de sa substance dans les derniers chapitres, et un petit développement n'aurait pas été du luxe ne fut-ce que pour expliquer son retrait) ; seule le personnage de la tante m'a vraiment déçu dans le sens où l'auteur n'en fait vraiment rien et je m'attendais à ce que son rôle d'ombre ait un peu plus d'importance, d'impact (sans rien renier de sa nature évidemment).
Enfin, la plume de l'auteur est ravissante, capable d'expliquer posément des choses, de décrire efficacement des lieux, des vêtements, des actions. Maupassant est clairement un écrivain doué, capable d'aligner les bons mots au bon endroit.
Bref, ce roman est plutôt plaisant à lire, dommage que la fin gâche tant le plaisir.