Franchement, tout le début du livre est laborieux, j'ai cru étouffé devant les soirées au resto chic, avec les descriptions de tous les costumes portés par les personnages, marque par marque, chemise par chemise. Puis, vers la page 120, 130, apparaissent enfin les premiers indices de la folie meurtrière présentée dans la quatrième de couverture. Juste une mention en passant, comme ça, une demi-ligne, pas plus, d'un crime horrible commis la veille. Et le basculement s'opère peu à peu, car au début du livre, Patrick Bateman est encore sain d'esprit dans sa folie, il se contrôle en dehors de ses pulsions. Oui, American Psycho est une critique des années Trump, de la folie immobilière, du matérialisme américain sous Reagan, et tout ce qui s'en suit, évidemment. Mais là dedans, j'y ai surtout vu la perte de contrôle d'un homme qui ne peut plus faire face à ce qu'il est. Il n'est qu'une coquille vide, et le récit se fait de plus en plus incohérent, si bien que l'on se demande si tout cela n'est pas que fantasme.

Ce roman est celui de la solitude, la solitude de Bateman car personne ne peut le comprendre (c'est certain que comprendre quelqu'un qui trucide de jeunes femmes, les décapite, cloue leurs doigts, baise avec les cadavres et mange les intestins, ce n'est pas très facile, soit), mais surtout car personne ne l'écoute, ni même ne l'entend. Il a beau crier, s'époumonner, rien n'y fait, Bateman est seul, devant tous ces hommes et ces femmes qui ne pensent qu'à leur nombril, à leur dernière chemise et leur mousse pour cheveux. Moi, c'est ça que j'ai vu, la folie d'un homme devant un monde qui perd pied, un voyage sans issue quelque part, vers un endroit que Bateman ignore lui-même. Un soi fantasmé pour ne pas être comme les autres. Et le changement de narration, progressif, insoupçonnable tant il n'y a pas de rupture brusque, illustre parfaitement cela jusque la dernière ligne du livre. Alors même si la première centaine de pages peut sembler être un calvaire, il faut poursuivre car cela n'est qu'un pan d'une fresque que l'on ne peut réellement comprendre qu'à la fin de celle-ci.

Pour les âmes sensibles, certaines scènes sont proprement insoutenables, la torture est décrite si crûment et si froidement que cela en devient difficilement tenable dans certains passages. Pour ceux qui aiment le gore pour ce qu'il est, vous allez trouver ça jouissif, mais il serait dommage de s'arrêter à cela.
VivienG_
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le 23 janv. 2012

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