I am Bateman, Patrick Bateman. Ou le rêve américain incarné.

Ellis nous livre ici une oeuvre qui a littérairement changé la face du monde, véritable bombe dans l’establishment, ce journal d’un tueur est plus qu’un recueil de lettres adressées à Kitty. Plus sombre, plus cynique et plus sanglant, Amercian Psycho est la critique à la fois la plus juste, la plus honnête et la plus noire de cette philosophie du ‘rêve américain’.


Héraut de ce que le système à pu engendrer de meilleure et de pire, Patrick Bateman fréquente les meilleurs restaurants, les meilleures boîtes, se pare des plus beaux atours, utilise les meilleurs lotions de soin de corps, parfait son bronzage, fais ses altères, suit un régime très précis, s’inquiète de la présentation de sa carte de visite, se prend une ligne de coke entre deux bloody mary, un Xanax au sortir du teinturier, flâne entre les raillons du magasin d’outils, se paye la pute qui tapine sous le pont, assassine son collègue, envoie les parties de son corps à travers le monde, se fait passer pour lui, utilise son appartement comme théâtre de ses loisirs sadiques allant de la simple taillade de la chair à l’empalement en passant par des tortures diverses et variées.
Bref, Bateman est tout ça. Il fait partie de ces gens qui ont réussi dans la vie, qui sont montés haut pour ne jamais en redescendre. Tellement haut que Patrick ne voit plus ce qu’il y a en dessous, efface le clochard qui traîne dans la ruelle près de la boîte de nuit, qui ne mérite pas plus que quelques coups de pied et une exécution au couteau de chasse. Après tout, il n’avait qu’à travailler. Ce roman nous prend à la gorge (sans mauvais jeu de mots), autant il donne envie d’être lu et d’être dévoré, autant, il peut devenir insoutenable même à la pensée. Le vice est partout, dans une société ou ces individus se connaissent à peine, se décrivent par leurs vêtements, la taille de leur appartement, la place qu’ils ont dans le classement des meilleurs traders de Wall Street, la compassion n’est pas de mise, l’intérêt pour autrui est impensable, l’individu prévaut à l’extrême.
Ce n’est pas tant le plaisir de tuer qui pourrait déranger mais c’est surtout le désintérêt, le dégoût, la fatigue du monde qui entourent ces golden boys qui nous prend de court. Plus que dans ses ouvrages précédents, Ellis pousse à son paroxysme la critique du système par la présentation d’un individu qui a le pouvoir d’influer sur le monde, contrairement à ses autres personnages qui eux n’étaient après tout que des étudiants désabusés par la vie, en conflit avec ce qu’on leur demandait d’être, c’était là une forme de rébellion. Mais avec Amercian Psycho, ces jeunes ados sont devenus des traders influents de Wall Street… Ils sont devenus ce qu’ont attendait d’eux mais cela bien malgré eux, souvent grâce au nom, grâce à papa, il a suffit d’acheter son diplôme pour pouvoir jouer dans la cour des grands, être aux commandes. Mais s’en rendent-ils comptent? Un important contrat? N’est-ce pas simplement là l’occasion de dîner dans le dernier resto à la mode avec la délégation asiat, leurs présenter des escorts représentant les valeurs des Etats-Unis d’Amérique (gros seins et bon cul), gouter aux saveurs locales achetées au maître d’hôtel, discrètement payées avec l’addition?


On aurait pas pu faire pire, on aurait pas pu faire mieux. Malaise constant à la lecture, il a suffit d’ouvrir la première page pour se perdre dans les pensées du tueur (?), au point de le croire fou. Oeuvre de son imagination ou acte réel, même le meurtre paraît être une partie de plaisir innocent jusqu’à ce que l’on se rende compte que le jus d’airelle n’est peut-être pas que du jus. Mais cette prise en compte parait facile, et Ellis n’est pas du genre à nous faciliter la tâche. Ce n’est pas face à un tueur en pleine possession de ses moyens psychiques auxquelles nous faisons face, mais c’est précisément tout le contraire, fil de pensées complètement embrumées, même le lecteur n’arrive pas à suivre. Peur de se retrouver à sa place, nauséeux, autant ébloui que lui par le soleil, autant assommé que lui par la chaleur, c’est un véritable coup de maître que d’avoir réussi là où beaucoup se sont plantés, nous mettre à la place de son personnage encore une fois mais cette fois, à tel point que quand la rage, la colère, le désir se font ressentir pour Bateman, le lecteur de ses pensées en arrive à ressentir la même chose que lui. Ne sommes-nous pas tous des Patrick Bateman en puissance?

DavidJones
9
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le 11 avr. 2016

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David Jones

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