Et si vous doutiez d'être heureux dans ce monde, imaginez que, soudainement, on vous ampute de la moitié de votre être, celle ou celui qui vous donnait une raison de vous lever le matin, cette promesse de lumière?
Vous sombreriez probablement dans les Ténèbres.
Et c'est peut-être les Ténèbres qui viendraient vous rappeler à elles, vous entraînant dans d'horribles cauchemars. Des cauchemars où tout se dérèglerait, où la réalité se consumerait, laissant apparaître des bribes terrifiantes de 2001, L'Odyssée de l'Espace, avec des monolithes surgissant comme des spectres au milieu des bois. Où une sorte d'Alexa murmurant des répliques de HAL9000, sans qu'on l'inviterait, glaciale et mécanique. Vous seriez peut-être pris au piège dans un labyrinthe d'horreur à la Stephen King, où un Saint-Bernard se transformerait en bête enragée (Cujo), où les morts reviendraient vous hanter, non pas pour vous consoler, mais pour vous tuer (Simetierre). Chaque livre qui tomberait des étagères (Interstellar) deviendrait un message funeste, un frisson effrayant qui vous saisirait à chaque fois. Ce ne seraient plus des souvenirs, mais des spasmes d'épouvante, des bribes de pop culture refaçonnées par le deuil en un spectacle cauchemardesque.
Un mur invisible se dresse devant vous, barrière infranchissable de douleur, vous isolant de tout ce qui vous est cher et vous empêchant d'avancer.
Et c'est là, au coeur de ce cauchemar, que surgit un cuisinier, une sorte de Charon, figure presque absurde, au bord d'une mer infinie. Il prépare du poisson, une créature des abysses, évoquant la renaissance et la mort. Ce banquet étrange réunit autour de Thiago toutes les âmes décédées qu'il a connues, mais l'horreur persiste : sa femme, Véra, celle qu'il cherche désespérément, en est absente. Thiago est condamné à cette quête vaine, perdu quelque part entre le monde des vivants et celui des morts. Il cherche sa bien-aimée.
Réalité altérée par la douleur ? Folie provoquée par le deuil ? Ou simple récit d'horreur fantastique ? Peut-on encore se fier au sol sous nos pieds, lorsque tout se dérobe sous l'immensité de la souffrance ? Après toi, ne reste-t-il que les Ténèbres ? Est-ce le monde qui, petit à petit, se dissout pour ne laisser place qu'à l'obscurité ?