J'avais quelques deniers à dépenser, et j'venais de repenser à "La nuit a dévoré le monde" de je ne savais plus de quel auteur. Mais je savais que c'était celui qui avait écrit "Je suis un dragon".


Concernant "La nuit a dévoré le monde", j'avais particulièrement apprécié le film. Ce mal-être, cette solitude. Et cet appel à la batterie, les monstres plutôt qu'être seul. La présence d'une humanité infectée vaut-elle mieux qu'être face à soi-même h24?


J'étais dans une librairie qu'elle est bien pour dépenser ses deniers. Le Bleuet. À Banon.


Je sors mon portable, je cherche via ecosia une trace du nom de l'auteur. Pit Argamen. Martin Page.
Œuvres. Essais, nouvelles & autres. Les animaux ne sont pas comestibles. Tu m'intéresses. Au-delà de la pénétration. Ah mais oui. Je file dans leur rayon Théâtre, érotisme et je sais plus quoi.


C'est fort mélangé, mais si t'as peur de rougir en tenant le livre Osez le bondage, tu peux toujours faire la personne égarée et te saisir du Cid de Corneille. Enfin va falloir faire vite.


Mais bon, à ton âge, tu ne devrais peut-être pas rougir d'avoir envie d'acheter un livre de cette collection. Même si, entre nous, bondage n'est pas le bon mot. M'enfin, la terminologie, quand on parle de plaisir est peut-être subsidiaire.


Bref, t'avais possiblement plus l'habitude, mais c'est très bien ainsi.


Je te le dis tout de go, "Au-delà de la pénétration" est une bonne chose, mais il n'est cependant pas exempt de défaut.


À commencer par son manque cruel d'inclusivité et de diversité. C'est un essai écrit par un homme cis et hétéro à charge contre la sexualité pénétrante quasi exclusivement pensée comme hétéro.


Cela étant posé, il me faut ajouter que le texte s'en prend aux dominants et, en ce sens, il n'est pas étonnant qu'il soit dirigé contre les hommes cis et hétéros et qu'il évoque grandement leur sexualité et ses travers...


On va pas se mentir, si t'es dans ces deux catégories tu es la classe dominante. On excuserait presque Martin. Et puis Martin écrit d'où il écrit. Il serait prétentieux de sa part de se faire le chantre d'une sexualité qu'il méconnait et qu'il ne pratique pas. Ni de se faire la voix d'une communauté dont il ne fait pas partie, même s'il souhaite en être un allier.


Mais pourquoi j'ai eu envie de lire ce livre, pourquoi un jour j'ai décidé de déconstruire ce que je tenais pour acquis et naturel et pourquoi j'ai utilisé internet pour faire ce qu'on peut y faire de mieux. M'y instruire, de façon ultra passive, via des comptes militants sur Instagram. J'ai fait, non pas comme j'ai pu, mais comme il m'était le plus aisé de faire.


Je ne milite pas, je ne suis même pas un bon allié en fait. Je reste retranché dans mon dernier privilège, celui de savoir, autant que je peux, de partager parfois les publications, d'en discuter au sein d'un cercle restreint de connaissance et d'amitié parfois, mais je refuse d'éduquer les fils de punaises qui pullulent en ligne et même parmi d'anciens amis dont la pandémie n'a fait que creuser l'abîme de pensée qui nous sépare. Comment éduquer des personnes qui n'ont pas oublié d'être bêtes et publie pour exprimer leur inquiétude du port du masque liberticide.


Comment éduquer cette masse difforme dont on a pu lire la véhémence pas plus tard que cet été, sur ce même site.


Tu comprends la liberté de penser. T'as même des gens qui masquent leur transphobie sur les internets en s'empressant de faire suivre leur abjects propos de "j'ai le droit de le dire". Bah malheureusement ceulles qui se cachent derrière le sempiternel on-peut-plus-rien-dire nous polluent régulièrement les commentaires de leur propos merdiques.


J'avoue avoir été très affecté cet été. Les dommages collatéraux, tout ça.


Bon Revenons En au Fait.


Comme Martin j'ai commencé ma déconstruction par refuser de manger des animaux morts. Et comme je me pensais féministe, tu comprends j'ai vécu entouré de femmes, c'étaient un peu ma caution, mon ami·e issue d'une minorité. J'aimais leur compagnie, plus que celle des hommes.
Alors naturellement je n'avais pas pensé ma façon d'être, de me comporter, de ce qui était juste. Pas normal. La norme m'ennuie, la norme j'en fais bien assez partie pour la rejeter lorsqu'elle m'emmerde.


Comme je me pensais féministe, disais-je, je ne pensais pas avoir besoin de revenir sur la question.
Pauvre imbécile.


Jusqu'au jour où la perte d'une amitié précieuse te renvoie à la gueule toute ta toxicité, mais tu sais, tu nies souvent être la cause, d'être le problème. Parce que c'est encore une façon d'exercer sur l'autre ton privilège. Et puisque d'autres n'ont jamais réagi ainsi, c'est bien que l'exception est fautive. Ce n'est pas moi, moi, je ne suis peut-être pas parfait, mais bordel je ne suis pas une personne toxique.
L'horreur dans la glace. Le problème est là, en lieu et place de ta tronche déjà pas super belle à voir.


Ce serait trop facile de te dire, que j'ai pris une massette, brisé le miroir et que l'horreur a disparue. Non, je me déconstruis et reconstruis chaque jour un peu plus qu'hier. J'ai perdu une fois, et même si la plaie n'est toujours pas refermée, je ne compte pas recommencer.


Oh il n'y a pas besoin d'être violent, ou même faire preuve de méchanceté pour être toxique, je dirais que ça tient plutôt de considéré comme acquis que sa façon d'être et de se comporter est quelque chose que les autres doivent comprendre et accepter sans avoir leur mot à dire à ce sujet.
Je suis un connard, tu finiras par t'accommoder t'inquiètes.


Constater ce que j'imposais aux animaux pour mon seul plaisir gustatif m'a donc amené, en addition à ce qui vient d'être évoqué à reconsidérer mon comportement en général et à donner plus de crédit à ceulles qui m'en ferait part ou même à ceulles que ça pourrait gêner sans forcément qu'iels puissent m'entretenir à ce sujet.


Plus je me déconstruisais plus je m'apercevais que j'étais une bonne part du problème. Et ne le suis-je plus pour autant ? Que nenni, je n'en suis certainement pas à la fin de mon aventure. Au bout de mes contradictions. Je ne touche pas encore du doigt à l'anéantissement de mes travers. Je suis aussi construit comme la plupart des hommes cis hétéro, tu te doutes bien qu'il y a du travail.


Ou tu ne t'en doutes pas, car tout ça ne te concerne pas au final. #notallmen pas vrai ?


J'en viens à ce triste dièse-mot car Martin fait l'erreur de s'y perdre une fois. Une fois c'est peu mais c'est déjà beaucoup.


Digresse, disgrâce !


J'ai eu envie de lire ce livre, car il entrait pour moi dans une logique de déconstruction saine, mais surtout parce qu'il y a longtemps que la pénétration est une pratique subsidiaire à mes yeux. Je me demandais donc ce que Martin avait à dire sur le sujet.


Et pourquoi donc écris-je aujourd'hui au sujet de cet essai, alors que j'ai délaissé mon espace d'expression sur Sens-Critique depuis plusieurs mois ?


D'abord parce qu'il y a encore des personnes que j'aime ici et que si j'avais contré mon costume de logorrh'ateur pour celui de traducteur de tutorial pour mes guildmates sur Afk Arena, je me suis aperçu que cette dernière fonction avait très mal remplacé ma propension à écrire pour étaler mon avis comme de la confiture sur le visage des gens que j'aime bien. Désolé, ça pègue un peu, faut pas laisser sécher.


Pour indiquer à ceux qui se questionnent et qui aimeraient commencer quelque part leur déconstruction, ce livre est un (bon) début. Il émane d'un homme, et comme les hommes ont l'égo fragile, il est parfois plus simple d'encaisser les reproches quand ils viennent d'un autre homme.


Au-delà de la pénétration aura le mérite de titiller un peu ton rapport à tes privilèges et la domination que tu ne penses pas exercer.


Cet essai est salutairement imparfait. Je dis salutaire car je suis certain qu'il doit être la première brique jeté à pleine puissance dans notre propre mur pour commencer à se déconstruire. Il est plus facile de se reconnaître, aux prémices d'un nouveau soi-même, dans un homme qui porte ses défauts, les questionne (parfois maladroitement, mais j'ai déjà dit de quoi il en retourne) et qui n'a pas totalement achevé son travail sur lui-même.


Ce livre, et je peux me tromper, n'a que peu d'intérêt hors des cercles des hommes hétéro cis, d'autant plus ceux qui n'ont pas encore envisagé une sexualité sans pénétration ou ceux qui pensent que cette sexualité est incomplète, ou encore ceux qui ne savent pas tirer parti de leur prostate.


Ça fait un paquet d'hommes, je le crains.


Citations :


"Il y a une responsabilité de celles et ceux qui sont du côté de la norme (et parfois y sont bien). La société est pleine de discours pro-pénétration. Ça va, on a compris. Écoutons les autres. Cessons de penser que notre goût et le bon et le vrai." (double effet kiss cool, cette fin de pensée, sur Sc, non ?)


"Les hommes veulent entrer dans le corps de l'autre à tout prix, ils s'en servent comme d'un objet au service de leur jouissance et souvent le plaisir de leur partenaire est accessoire. Ils disent qu'ils font l'amour mais en fait il se masturbent dans le corps des femmes."


Et une dernière pour la route.


"Un matin (…) j'ai demandé à un ami, hétérosexuel, s'il aimait la pénétration. Il m'a répondu tout de suite : "Ah ah, oui bien sûr ! Bah oui !" Alors j'ai précisé ma question : "Et comment aimes-tu être pénétré ? Avec un doigt ? Avec un gode ou un masseur prostatique bien lubrifié ?"
Il s'est crispé. Il n'avait pas imaginé que je parlais de lui-même pénétré. Jamais. Jamais. (…) Il n'y avait jamais pensé. Enfin si, un peu, comme ça. Fugacement."


Nota Bene.


En revenant graver quelques 0 et 1 sur SC, qui m'agace à me demander à ce que je souhaite faire des cookies alors que j'ai tout refusé maintes et maintes fois que diable !, je ne suis pas venu t'offrir un espace d'expression. Tu en as bien assez pour toi, et j'en ai marre de t'en offrir. Sous mes statuts par exemple.


Si bien qu'à chaque fois que tu viens baver sous ce que j'estime être mon espace d'expression, et que ta bave est trop toxique à mes yeux, je supprime. C'est net et sans bavure si je puis dire.


Non, je ne t'autorise pas à t'exprimer sous mes écrits. Après tout je fais ce que je veux hein.


Et comme tu n'es pas une lumière, tu ne m'éclaires pas et si tu ne m'éclaires pas tu n'as le droit à la parole là où j'allume mon lampadaire.


Enfonces-toi bien ça dans l'crâne, dans l'anus tu ne saurais pas y prendre du plaisir, alors c'est fort inutile de te le proposer.

Kenshin
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le 28 déc. 2020

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