Lire Bad Love ne déconcerte ni n’énerve. Lire Bad Love met à l’épreuve le plus avisé des lecteurs. On connaît déjà la fin, oui, certes. On cherche l’originalité, oui, certes. Le problème de fond ne vient pas de là. Il est à chercher dans cette écrasante conviction de faire du style là où font défaut toute rigueur, toute grammaire, toute vision de la littérature un tant soit peu noble, sinon intéressante, simplement lisible. Ceci ne peut être lu. Ainsi lit-on à la page 10 :
«Beaucoup d’entre eux marchent d’un pas affairé tout en gardant un œil énergique et acéré prêt à ne manquer à aucun prix une des personnes qui passent et qui comme eux portent ce curieux badge attaché à un collier publicitaire, plus ou moins discrètement…»
La laideur congénitale de cette phrase n’a d’égale que sa disgrâce sonore, que son inertie syntaxique : la phrase n’a pas de souffle mais n’est pas essoufflée pour provoquer la traduction mimétique d’une frénésie, accumule les adjectifs et les compléments sur un mode automatique. On dirait la mauvaise copie d’un élève auquel on reproche, en rouge dans la marge, l’absence de construction et de ponctuation. Surtout, tout ce barda verbal pour exprimer une idée si simple !
On pourrait également multiplier les relevés de lieux communs, de banalités, d’axiomes et d’expressions figées. « Maggie Lee, une productrice taïwanaise, petite comme son pays » à la page 13, par exemple. Finesse quand tu nous tiens! L’auteure joue la carte de la provocation thématique et verbale comme un jeune enfant irrité tape sur un seau renversé pour faire du bruit et ainsi se faire remarquer. La seule différence est que l’enfant apprend de ses caprices là où l’auteure s’y conforte.