Un scénario détraqué
Echenoz est de retour et c'est une bénédiction autant qu'un délice, forcément. Dans Bristol, l'intrigue n'a qu'une importance relative, mettant en avant un réalisateur de cinéma sans talent aucun,...
le 26 janv. 2025
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Dans Bristol, quelque chose avance de travers — un pas à côté du réel — et ce léger décalage rappelle d’emblée W.G. Sebald. Comme chez Sebald, le déplacement géographique devient une manière de sonder les failles intimes, de faire affleurer les fissures du monde. Mais là où Sebald enveloppe tout d’une mélancolie brumeuse, Echenoz s’amuse à creuser l’air, à laisser entrer une ironie sèche, un humour qui déstabilise. Même décor fragile, mais baromètre affectif radicalement opposé.
La dynamique entre Robert, cinéaste hésitant, et Céleste, actrice trop lumineuse pour le cadre, renvoie aussi au jeu trouble que Claire Denis orchestre dans Beau Travail. On retrouve cette tension entre les corps, cette manière de filmer — ou d’écrire — la chaleur comme une matière morale. Sauf qu’Echenoz refuse l’intensité sensuelle de Denis : là où elle cherche la brûlure, lui cherche la faille, le minuscule décrochement qui introduit de la comédie dans le drame. Une ressemblance de vibration, mais pas de température.
Quant au motif du tournage, il fait penser à Michael Haneke, non pour sa violence, mais pour son rapport au dispositif : chez Haneke, la caméra révèle les mensonges ; chez Echenoz, elle les fabrique. Les deux mettent en scène un monde où l’image déforme la vérité, mais Haneke durcit, Echenoz déjoue. Ce contraste aide à lire Bristol aujourd’hui : dans une époque saturée de fictions, Echenoz montre que même le tournage d’un film d’amour et d’aventure devient un terrain d’esquive, de rôle permanent, de faux naturel assumé.
Ces rapprochements ne posent pas des étiquettes : ils montrent comment le roman circule entre trois héritages — le voyage introspectif à la Sebald, la chaleur sensorielle à la Denis, la conscience du dispositif à la Haneke — pour n’en retenir qu’une impulsion, un rythme, une inquiétude. Bristol ne cherche pas la grande fresque ni la puissante émotion. Il avance en oscillations, en contretemps, en micro-dérapages qui dessinent un portrait discret, presque furtif, de ce que devient l’aventure quand elle n’a plus les moyens d’être héroïque.
Cette lucidité sans lourdeur, cette manière de faire trembler le réel par fragments, donne au texte sa force : on lit moins une histoire qu’un déplacement du regard.
Ma note : 14 / 20
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Créée
il y a 6 jours
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Echenoz est de retour et c'est une bénédiction autant qu'un délice, forcément. Dans Bristol, l'intrigue n'a qu'une importance relative, mettant en avant un réalisateur de cinéma sans talent aucun,...
le 26 janv. 2025
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Me voici abasourdie, sidérée, ébahie, bouche bée, déconcertée, éberluée, médusée, soufflée et je dirais même plus interloquée. Par quoi ? me direz-vous. Par les nombreuses critiques très élogieuses...
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le 25 avr. 2025
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7
Mon commentaire pourrait être exactement le même que celui, enthousiaste, que j'avais rédigé après la lecture de "Envoyée spéciale". Les intrigues n'ont rien en commun ? Peu importe ! Quand on est...
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le 16 juin 2025
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_____Pour le lecteur pressé, en moins de 3 minutes: https://youtu.be/sSVYyyi2ZPU👉 Et s'abonner à cette chaîne Youtube où je publie régulièrement ces articles, pour n'en rater aucun ! ...
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le 17 mars 2025
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🔴Pour le lecteur pressé, en moins de 3 minutes : https://youtu.be/QN6Wh3krGas? Et s'abonner à cette chaîne Youtube où je publie régulièrement ces articles, pour n'en rater aucun !🔴Cléopâtre,...
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le 18 avr. 2025
15 j'aime
1
🔴 Me retrouver sur https://www.youtube.com/channel/UCwnp9KZCW3j6S_JEko5hxSg On voudrait y croire, à cette symphonie des âmes blessées. On voudrait que Deux pianos résonne comme une grande fugue sur...
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le 15 oct. 2025
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