Portrait d'un conformiste.

Et de quatre ! Après avoir écrit, seul ou en duo, les biographies de François Truffaut, Jean-Luc Godard et Eric Rohmer, Antoine de Baecque s'attaque à une autre figure de la Nouvelle Vague en la personne de Claude Chabrol. Décédé en 2010, le réalisateur a laissé derrière lui une œuvre considérable, avec plus de cinquante films, une grosse vingtaine de téléfilms, des livres, des petits rôles en tant qu'acteur, producteur à ses débuts essentiellement pour ses amis de la Nouvelle Vague et même metteur en scène de théatre à deux reprises. On peut même rajouter qu'à ses débuts, travaillant comme attaché de presse à la Fox, il trouvait des titres français aux films distribués par le studio. Pour l'anecdote, et ça n'est pas raconté dans le livre mais il en parlé dans une émission de radio dont je garde l'archive, il a continué de manière anonyme à trouver certains autres titres jusqu'au début des années 1980 où, pour A Nightmare on Elm Street, le premier film de la saga Freddy, c'est à lui qu'on doit ce très bon titre qu'est Les griffe de la nuit !

C'est donc une carrière longue de plus de cinquante années qui nous sont racontées, le plus souvent avec des archives, y compris de Chabrol lui-même qui a toujours gardé une grande lucidité sur son œuvre, allant même jusqu'à pressentir si tel film qu'il allait tourner allait être raté ou non, à l'image de La décade prodigieuse, qu'il considérait comme une merde, dixit. Les 80 pages de notes montrent que de Baecque n'a eu qu'à se servir, ou presque, pour récupérer des anecdotes ou des interviews du réalisateur et ses collaborateurs, qui se pressaient pour travailler avec lui. Et il y de quoi tant il a su tirer le meilleur d'eux, en particulier des femmes ; je pense à Bernadette Lafont (pour qui Les bonnes femmes était le favori de sa carrière), Stéphane Audran (sa deuxième épouse avec qui travaillera même après leur divorce) et bien sûr Isabelle Huppert sur une collaboration de près de trente ans.

Il n'est pas vraiment question de technique ni de mise en scène dans le livre, ça n'était pas vraiment la priorité de Chabrol, mais de la joie apparente qu'il avait à être sur les plateaux, à travailler en équipe même si ceux-ci seront bien souvent surpris par son apparent flegme, qui donne l'impression de tourner près de bons restaurants, mais qui cachait peut-être quelqu'un de plus tourmenté qu'il le paraissait. Car il cachait tout ça sous sa bonne humeur, ses rires, mais les sujets qu'ils abordait, souvent tirés de romans anglo-saxons, étaient assez sombres.
De plus, l'écriture du livre fait que c'est vraiment plaisir à lire, comme un roman je dirais, où il ne ressort de ses collaborateurs que du bon concernant Chabrol. Même si ça a été parfois difficile avec Orson Welles, Romy Schneider ou Emmanuelle Béart.

En tout cas, ça m'a donné envie de replonger dans son œuvre considérable, et c'est tout à l'honneur du livre.