Critique à chaud... Minuit...
Premièrement, que certaines choses soient dites... J'aime beaucoup Raphaël Quenard. Que ce soit l'acteur (magistral dans Yanick de Dupieux) ou l'homme que l'on peut apercevoir dans les interviews très nombreuses. J'aime son phrasé, son style, ce qu'il a à dire... Bref !
Je n'avais pas d'attentes précises, il me semble.
Je me souvenais vaguement d'un passage à la Grande Librairie et autres interviews où il parlait de son amour de la littérature, venu d'ailleurs tardivement et qu'il essayait alors de rattraper, idem pour le cinéma et cela était plutôt de bonne augure.
Étant donné que j'aimais bien le bonhomme, ma curiosité était piquée. Je le savais, j'allais forcément finir par lire son roman.
Et puis sont venus des doutes, des hésitations face à quelques critiques...
Sur un réseau social, un créateur de contenu avait pointé du doigt que le style n'était pas si mal malgré quelques tournures navrantes mais que le plus gros problème du livre était son histoire... Je ne suis pas totalement d'accord...
Bon... Je me rappelle encore de ce vieux papier où, après avoir lu un recueil de nouvelles de Tom Hanks, (bon sang, qui date de 2018 déjà !) je m'étais interrogée sur une réflexion personnelle afin de déterminer si tout le monde pouvait être écrivain. Outre le fait, qu'une maison d'édition est assurée de vendre avec un nom connu et que ce même nom légitime alors toute entreprise littéraire publiée, je m'étais interrogée sur cette notion d'écrivain et de littérature et ce que cela impliquait. Toujours difficile de déterminer s'il y a une part de don mais aussi de travail ou s'il n'y a que cette dernière partie qui compte. J'avais donc essayé de déterminer des critères... Une ambiance crée, une justesse de ton, des personnages profonds et qui évoluent, du style dont on sent les influences mais qui essaye d'être soi, une histoire qui émeut ou nous fait voyager ou nous apprend des choses ; cette espèce de rencontre qui peut créer à la fois ce procédé d'identification qui nous fait découvrir des choses sur nous mêmes ou au contraire partir à la conquête d'une altérité qui nous initie à d'autres vues de l'âme humaine...Enfin, une communion avec un auteur qui nous partage sa vision du monde et qui nous l'offre un temps avec son regard qui peut soit trancher soit sublimer et même davantage, avec tout ce qui existe entre ces deux pôles-ci... Et concernant cette littérature, je mettais évidemment débattue, évidemment, avec cette double connivence qui lui appartient : être un simple divertissement ou être une oeuvre porteuse...
Si tout ceci (qui reste parfois encore bien mystérieux, même huit années plus tard ) devait m'aider quant à l'appréciation d'un livre; c'est peine perdue avec ce "Clamser à Tataouine" de Raphaël Quenard.
Pas de chance, je l'ai lu, juste après avoir fini "À l'est d'Eden" de Steinbeck auquel j'ai mis un bon dix arbitraire, ici, parce qu'il faut le dire : il répond à tout ce que j'essaye d'élucider plus haut et que cela faisait longtemps que je n'avais pas senti un tel souffle dans une lecture.
J'ai mis trois au livre dont il est question ici. Mais en relisant ma légende de barème, un trois équivaut à un méchant "c'est tellement nul" tandis qu'un quatre équivaut à un condescendant "ça aurait pu...mais non !". J'ai donc ravalé ce trois et l'ai transformé en quatre. Mais c'était pénible...
Il m'aura fallu une toute petite après-midi pour lire ce livre, environ trois, quatre heures. Et déjà, cela m'agace. Combien de temps, a t-il fallu à cet acteur pour écrire ce livre ? Je me pose sincèrement la question, surtout lorsque je vois la pauvreté du récit, des personnages construits, des malheureuses métaphores et autres tournures de phrases, j'en passe et des pires...
Je suis non seulement déçue mais iritée par ce livre. Il y a des écrivains (ceux qui écrivent donc) qui ont certainement sous le coude des manuscrits qui en valent vraiment la peine mais qui peinent à se faire éditer, alors qu'un Raphaël Quenard (grâce à sa célébrité) n'aura lui aucun mal... J'en veux à cette maison d'édition, de se faire ainsi de l'argent sur un nom, sur un manuscrit qui aurait pu être bien meilleur mais qui, à mon humble avis, aurait nécessité, beaucoup plus de travail ! Il faut bien vendre, n'est-ce pas...
Je pensais que j'allais au moins retrouver quelque chose du phrasé de Quenard, que cela me ferait au moins un peu plaisir, car il me fait souvent bien rire avec son personnage public, mais même pas !
Dès la lecture de l'incipit, cela partait mal. Je n'arrivais pas à entendre sa voix. Et ce fut comme cela tout du long, mais en revanche, on pouvait aisément entendre les voix de son récent panthéon littéraire dont il ne parvient jamais à se détacher et dont je préfère taire les noms tant ils peuvent être, de nos jours, problématiques... Je ne parlerais d'ailleurs pas non plus du sujet du féminicide du livre, qui est tout autant problématique à présent car cela ne m'intéresse pas. Il y en aura d'autres pour cette tâche là, je n'irai pas sur ce terrain là.
En revanche que d'exaspérations... Il faut qu'on m'explique par exemple le sens de cette phrase : "La Fontaine (l'écrivain pas la femme)..." C'est une allusion érotique ? C'est humoristique ? Cela m'a laissée coi.
J'ai eu les yeux brûlés et la cervelle qui a senti le cramé en lisant d'autres métaphores érotiques comme les "poches à lait" ou "le four à pizza" pour parler des attributs féminins. C'est d'un ringard... Peut-être, me direz-vous, fait-il parler ce personnage si détestable... Certes, le problème, c'est qu'ici, Quenard s'amuse beaucoup. Il s'amuse à se fondre avec lui, à brouiller les pistes en distillant des éléments de sa biographie personnelle alors, qui parle ? De toute façon même si l'on construit des personnages détestables, on peut tout de même essayer de le faire avec style... Et je ne parlerais pas non plus du "poivrier"... Que de banalité, cela m'a fait lever les yeux au ciel et j'étais sans cesse décrochée de ma lecture à cause de piètres images comme celles-ci... C'est dommage car il doit y en avoir trois ou quatre bien pensées, comme "ravaler son acte de naissance"...
J'en suis même allée jusqu'à douter de l'usage de certains mots comme dans cette phrase : "Il suffit d'un rien pour huiler une interaction un peu caillouteuse". Dans le cadre de cette métaphore, n'était-il pas plus pertinent de dire "cahoteuse" ? Parce que sinon, j'ai bien du mal à voir ce qu'il veut vraiment dire... N'a t-il pas eu un relecteur, correcteur dans sa maison d'édition ? Est-ce qu'il y a seulement eu un travail de relecture ? Des exemples comme cela, il y en a malheureusement d'autres. Même ses essais (voulus ?) d'assonances avec des "illustres olibrius", par exemple, entachent la lecture. Pourquoi ? Parce que si cela passe à l'oral et fait sourire quand on l'écoute ; quand on le lit, c'est une autre paire de manche ! C'est si laid (comme un hiatus), qu'encore une fois, cela nous expulse désagréablement de la lecture.
Je vais m'arrêter là pour le style, après tout, cela reste très personnel donc pourquoi pas.
En ce qui concerne l'histoire et malgré les terrains où je n'irai pas, idem, j'ai souvent été prise au dépourvue. J'ai légèrement l'impression (et j'essaie de ne pas en être trop agacée) que ce monsieur se paye largement notre tête. Prenons par exemple, un meurtre... Non, il ne faut pas seulement deux noyaux ou cinq de cerises pour tuer quelqu'un mais environ 1400 dont il faudrait extraire le cyanure pour parvenir à ses fins. Vous me direz, le personnage ne pouvait sciemment pas trouver et broyer autant de noyaux pour tuer... Oui, mais alors ce meurtre ne tient pas la route ! Donc, je n'y crois pas, donc je sors de ma lecture, encore une fois. Il y avait d'autres plantes possibles et plus probables... Mais Raphaël Quenard, a t-il, lui aussi (c'est vraiment le mal du siècle, je crois) succombé à l'ultracrepidarianisme impuni ? Pas sûr, puisque quelques pages plus tard, il se paye notre tête en nous expliquant que toutes ses "théories les plus fallacieuses indui(sent) un pourrissement de la culture humaine"... Il prend vraiment ses lecteurs pour des imbéciles et il s'en vante ? Et je ne vais pas écrire des pages sur cette militante écologiste qui pour protester brûle une dizaine de voitures parce que je vais finir par tout simplement m'énerver face au ridicule de ce qu'il écrit.
Je ne dévoilerai pas la fin mais alors que dire du twist final ? Je crois que là, niveau invraisemblance, on a touché le fond.
Cela me fâche, et cela se voit car, j'aime bien cet acteur mais je ne retiens de cette lecture qu'une vision cruelle (merci pour les détails sur Shakira) et surtout creuse du monde et ce qui le compose, qu'un style qui fait sans cesse disjoncter, qu'un manque de travail voire de fumisterie et comme la sensation qu'il se moque (pas gentiment) de son lecteur.
Tout comme Luchini et son phrasé légendaire, Raphaël Quenard est un personnage.
Si ce premier a eu la sagesse de ne jamais se lancer dans la fiction littéraire malgré son immense amour et dévotion pour celle-ci, il aura tout de même écrit un livre touchant qui parle à la première personne de lui et de son amour des lettres; le second, quant à lui, se sera pris pour Icare, se sera brulé les ailes en s'approchant de ce soleil et se sera vautré dans l'exercice... Et moi (nous) avec.