Saints Amours

Rien ne destinait ces 7 individus à rencontrer Dieu.

Marcelle venait d’une famille anticléricale, Alex s’engluait dans une vie superficielle de dandy, Sergei persécutait des catholiques pour servir le régime soviétique, Bruno blasphémait et battait sa femme… Les portraits que dresse Alexia Vidot de sept convertis remarquables à travers le monde prouvent que le divin peut toucher absolument n’importe qui, et même (et surtout ?) ses pires ennemis.

Du Japon au Rwanda, de New-York à Paris en passant par l’Italie ou la Sibérie, tous ont été les témoins éblouis de la grâce. Mais avant de nous présenter ces destins hors du commun, Alexia Vidot (que j’ai eu la chance de découvrir par hasard, un soir, tard, dans une émission de France 5) journaliste au magazine La Vie, se raconte, dit sa propre conversion à l’âge de 20 ans, alors que deux amies lui indiquèrent un monastère où trouver le silence qui lui manquait et où elle pourrait se ressourcer.

Alexia dira qu’elle n’était absolument pas partie dans une perspective spirituelle et pourtant ce séjour va changer sa vie pour toujours. « Dieu lui-même allait me trouver ! », écrit-elle.
La communauté qu’elle rencontre (dont le quotidien consiste à écouter le Verbe semer silencieusement) va lui rappeler cette phrase de Paul Baudiquey :

Les vrais regards d’amour sont ceux qui nous espèrent.

Le sentiment d’être attendue. La simple question d’une des sœurs du monastère dès son arrivée – « Qui es-tu, Alexia ? » - est un premier bouleversement pour la jeune femme qui va ensuite aller de ravissement en ravissement (au sens premier) goûtant à chaque instant la pure hospitalité du cœur, la tendresse et la curiosité sincères de ses nouvelles sœurs d’âme.

Pour la première fois de ma vie, j’ai goûté à l’amour pur et désintéressé.

Alexia revient alors sur ses lectures, son parcours, son éducation et cette rencontre avec Dieu va prendre une dimension nouvelle, éclairer des notions qu’elle n’avait pas pleinement comprises et intégrées jusqu’alors. Richement nourrie d’auteurs et de penseurs mystiques (Bernanos, Weil, Claudel, Pascal…), la jeune femme tend la main au lecteur pour l’inspirer et l’emmener frayer sur les terres de charité lumineuse et d’Amour inconditionnel que nous a enseignées Jésus.

Sans prosélytisme ni dogmatisme mais avec douceur et intelligence, la journaliste nous invite à reconsidérer notre lien au divin, à la réinventer, à ne plus hésiter à s’engouffrer à nouveau dans cet ineffable Amour, dans cette chaleur unique qui est celle du Christ. D’une plume sobre et sincère, truffée de citations toutes plus enthousiasmantes les unes que les autres, Alexia Vidot nous enjoint à notre tour à partir à la découverte de ce « trésor », de cette « source de l’eau vive » avec une joie gracieuse (ou une grâce joyeuse ?) qui ne pourra qu’intensément séduire les lecteurs désireux de revenir sur le chemin de la foi.

Lecteurs qui pourront également être attirés par ces témoignages extraordinaires qui nous sont livrés par le truchement de la (jolie) prose d’Alexia. Via de brefs chapitres, l’autrice nous raconte sept destins pas comme les autres, sept portraits d’individus nés aux quatre coins du monde et qui tous ont été touchés par la grâce – et certains revenaient de très très loin. Je laisse aux lecteurs la joie de découvrir ces destinées mystiques remarquables qui m’ont absolument passionnée mais je retiendrai que, si chaque histoire est unique, il est un dénominateur commun entre toutes ces conversions : l’instant de la révélation (indicible !) tel un miracle est décrit avec lumière, chaleur et paix. Chacun et chacune voit sa vie basculer en quelques minutes et tout son être s’emplir d’une joie profonde.

Comme si Dieu donnait à chacun sa juste place, justifiait son existence par cet incommensurable amour ressenti par tous les convertis. « Il vous faut naître d’en haut », disait Jésus et c’est exactement ce qui est arrivé à Marcelle, Daphrose, Cyprien, Alex-Ceslas, Sergei, Takashi et Bruno. Des êtres qui s’étaient parfois égarés et qui soudain se retrouvent.
Loin, très loin de tout sectarisme :

Une conversion véritable ne consiste pas à passer d’un camp à l’autre, encore moins d’un camp contre l’autre, mais à revenir à soi-même, à son moi véritable, à sa singularité radicale, à son cœur profond.

La prière, quand elle est intensément vécue, est une manière de méditation, de recentrage, de canalisation des forces de l’esprit, à l’instar de ce qu’enseignent d’autres religions comme le bouddhisme. Les personnages étaient, sans le savoir, éparpillés au-dehors d’eux-mêmes et leur changement de vie a été radical : Dieu les a rassemblés à l’intérieur car « dans l’homme intérieur habite la vérité » (Saint Augustin).

Comme des cœurs brûlants est un livre merveilleux qui fait un bien fou, apaise, passionne, rassure, console et porte à l’espérance et à la paix : chaque destin narré est en vérité celui d’un
« héraut de la paix sur une terre calcinée par la haine » qui, avec l’aide de l’Esprit Saint, permet aux « yeux du cœur » chers à Pascal de s’ouvrir enfin.

Enfin, mention spéciale à ce qui clôt le texte, ce somptueux poème (« d’amour », pour moi) signé François Esperet, poète et diacre, consacré à Alexia et qui est d’une beauté à pleurer.
Il finit par ces mots :

(…) ton âme triste en janvier d’enfant inconsolable où le cerf altéré
de Son amour s’abreuve je peux sentir ta peine mais ta joie seule demeure
Alexia la bienheureuse ouvrière à jamais de l’avant-dernière heure.