Sur cette île, qui n’a pas de nom, des choses et des êtres vivants disparaissent. Mais ils ne font pas que disparaître : On en oublie jusqu’au souvenir, à la sensation qu’ils procuraient. C’est une disparition complète, rendue d’autant plus terrible qu’il n’y a aucune révolte de la part des habitants de l’île (Sans nom connus du lecteur, excepté un personnage surnommé « R ») Et c’est aussi cela qui m’a frappé : La résignation.

Jusqu’à présent nous avons accepté toutes les disparitions. Même celles de choses très importantes enfouies dans notre souvenir, irremplaçables, nous n’avons pas été trop embarrassés et n’avons pas trop souffert non plus. Nous pouvons accueillir n’importe quelle cavité vous savez.

Et lorsque par exemple, les oiseaux disparaissent, les habitants eux-mêmes font disparaître leurs oiseaux, leurs livres consacrés aux oiseaux, les images, etc…

"Quand j’ai sous les yeux des objets disparus, mon cœur s’agite énormément. Comme si quelque chose de dur et épineux était lancé soudain au milieu d’un paisible marais. Il se forme des rides, un tourbillon se crée au fond et la boue remonte. C’est pourquoi nous sommes bien obligés de brûler les objets, de les jeter à la rivière ou de les enterrer, afin de les éloigner le plus possible de nous."

Et parce que cela ne suffit pas, la toute puissante police secrète s’occupe de rendre les disparitions totales. Ainsi que de faire disparaître ces gens qui eux n’oublient pas.

"Parce que la première mission de la police secrète était de faire respecter les disparitions."

Au niveau de la structure, une (agréable) surprise : Il se trouve que la narratrice est romancière. Yoko Ogawa a eu l’heureuse idée d’introduire un roman dans le roman, celui de la narratrice. Et cette seconde histoire est tout aussi terrible que la première (plus courte aussi)

L’écriture est apaisante, douce, ce qui déteint avec le terrible univers qui y est dépeint. Cela m’a permis, dès la première page de rentrer dans le roman.

Une douce absurdité, un terrible univers. Fascinant, beau, déchirant, poétique. Les adjectifs ne manquent pas.

Un coup de cœur comme celui-ci n’arrive pas tous les jours. Ce roman est exceptionnel. Et cette critique est loin de lui faire honneur. Je le conseille vivement.

"Et si les mots disparaissent, que va-t-il se passer ?"
MrAmeni
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Top 10 Livres

Créée

le 20 mai 2013

Critique lue 534 fois

3 j'aime

MrAmeni

Écrit par

Critique lue 534 fois

3

D'autres avis sur Cristallisation secrète

Cristallisation secrète
Mei-mei
8

La chronique littéraire sur les radios de l'Arc jurassien

Allégorie poétique sur les régimes totalitaires, Cristallisation secrète mêle deux histoires, celle de la narratrice, et celle du personnage de son roman. La narratrice vit sur une île où les choses...

le 17 févr. 2011

3 j'aime

Cristallisation secrète
SybilRiver
9

Cristallisation secrète, inquiétante étrangeté d'une œuvre.

Une île où les choses disparaissent et avec elles, leur nom, leur souvenir et jusqu'à l'émotion qu'elles suscitaient. Effacées sans prévenir, presque dans l'indifférence. Cristallisation secrète de...

le 11 avr. 2016

1 j'aime

Cristallisation secrète
ExpressAigue
6

Critique de Cristallisation secrète par ExpressAigue

Un roman particulier, qui m'a fascinée dans ses deux premiers tiers. Une histoire qui démarrait bien, très bien construite. Des personnages peu nombreux et donc plus attachants. Un monde mystérieux,...

le 20 juin 2013

1 j'aime

Du même critique

Fondation foudroyée - Le Cycle de Fondation, tome 4
MrAmeni
8

Critique de Fondation foudroyée - Le Cycle de Fondation, tome 4 par MrAmeni

Fondation foudroyée, ou Tome 4 du cycle de Fondation a été écrit 29 ans après l’écriture du 3e tome. J’ai débuté ma lecture en ne sachant pas trop à quoi m’attendre, et même légèrement sceptique au...

le 14 mai 2013

9 j'aime

La Voie magique
MrAmeni
8

Critique de La Voie magique par MrAmeni

Bizarre de parler de ce tome à part du tome précédent quand il ne s’agit que d’un seul livre (oui, j’ai déjà du le dire). Mais cette division artificielle se fait encore plus sentir lorsqu’on aborde...

le 10 août 2013

7 j'aime