Il eût été plus simple d'aborder Kafka avec Le Procès ou La Métamorphose.... Mais non, le hasard d'une découverte en brocante devait m'initier à la verve de l'auteur tchèque avec un recueil de nouvelles dont je n'avais jamais entendu parler. Je ne peux pas dire que ce premier contact fut très concluant, même si deux histoires ont vraiment éveillé ma curiosité.


La colonie pénitentiaire est une assez longue nouvelle qui ne fait, en gros, qu'expliquer le fonctionnement d'un appareil de torture absurde. C'est à peu près tout. Il y a une chute, je crois, construite sur une prophétie qui sort de nulle part, mais je n'ai absolument pas compris où l'auteur voulait en venir. L'idée de base n'est pas suffisamment solide pour tenir toutes ces pages, à mon humble avis, et les critiques ont beau parler d'un réquisitoire contre la peine de mort, l'épanchement absurde finit par noyer toute autre considération. Ai-je besoin de préciser que je ne suis absolument pas convaincu ?


On continue dans l'obsession d'une douleur absurde avec les nouvelles suivantes. Premier Chagrin s'étend sur quatre pages. Une histoire aussi concise se doit d'avoir une chute ingénieuse pour justifier son existence. Et bien non, il y a juste un trapéziste à moitié fou qui pleure... D'accooord. De la poésie là-dedans ? Même pas, ou alors si vous êtes du genre à pleurer devant chaque coucher de soleil, pourquoi pas.


Une petite femme n'arrange pas nos affaires. Enfin, les miennes. Un homme et une femme qui ne se supportent pas continuent de se fréquenter malgré toute la souffrance que cela leur impose. Pourquoi ? L'homme tente bien de se justifier dans un flux de pensée interminable, mais non, ça ne colle pas. Ce sont juste des putains de masochistes. A ce stade du recueil, d'ailleurs, ces doses malsaines de névrose deviennent agaçantes. Malgré tout, le portrait psychologique que dresse ici Kafka me semble bien plus crédible que dans ses deux nouvelles précédentes, tout en étant assez bizarres pour retenir mon attention. Pas si mal, au bout du compte.


Un champion de jeûne enfonce un peu plus le clou dans la chair purulente avec ces interminables descriptions de satisfaction masochiste qui n'aboutissent qu'au mépris le plus total puisque le personnage sombre dans l'oubli et la folie. Est-ce qu'il y a quelque chose à tirer de cette expérience littéraire pénible ? Je cherche encore.


Le pire arrive maintenant avec Joséphine la cantatrice ou le peuple des souris. La particularité amusante de cette nouvelle est qu'il est difficile de comprendre, au début, que l'on ne parle pas d'êtres humains mais de choupinettes petites souris. Enfin, ça aurait été amusant si le titre n'avait pas révélé immédiatement le subterfuge, évidemment. Ne reste dès lors qu'un long plongeon dans l'ennui, et seulement l'ennui puisque, pour une fois, personne ne souffre ici. A part moi, qui me suis décidé à ce moment à augmenter drastiquement mon rythme de lecture pour en finir au plus vite.


Surprise, enfin ! Le terrier est un petit bijou de paranoïa présenté sous la forme d'une fable animalière irrésistible (tout le contraire de "Joséphine" donc...). L'écriture est ciselée, aiguisée et, enfin, tournée vers un but clairement affiché: plonger le lecteur dans un esprit aux limites de la psychose. Cette fois, j'y crois sans hésitation. Cette fois, je sens le suspens enfler, déborder et... la nouvelle n'a pas de fin. La meilleure œuvre du recueil est inachevée. Un effroyable gâchis, que je recommande pourtant, car je pense qu'il ne manquait pas grand chose pour terminer, et surtout pas une chute, rendue inutile par le brio de l'écriture tout au long du développement.


On termine avec La taupe géante, amusant récit, lui aussi inachevé, de la recherche d'une créature peut-être imaginaire. Clairement dans le haut du panier de ce recueil mais cette histoire souffre un peu la comparaison avec le petit chef-d’œuvre qui précède.


Voilà la fin de mon initiation kafkaïenne, que j'ai appréciée in-extrémis grâce au Terrier, mais qui m'a globalement déçu. Dans le genre de "nouvelles de l'absurde", Buzzati m'a semblé plus pertinent et même tout simplement meilleur écrivain. On verra si les œuvres plus connues de Kafka me feront réviser mon jugement...

Amrit
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le 10 sept. 2017

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