Difficile de ne pas parler politique après cette lecture de Dans la dèche à Paris et à Londres tant certains chapitres prônent un socialo-marxisme revendiqué :
« c’est cette peur d’une populace présumée dangereuse qui pousse la plupart des individus intelligents à professer des opinions conservatrices ».
George Orwell dresse un portrait de ses pérégrinations sans le sous dans ces deux capitales.
J’ai préféré les passages à Paris, l’univers des grands restaurants français est très intense. On est avec lui et on sue avec lui, dans la chaleur des cuisines.
Les prêteurs sur gage, la débrouille, la rue, le calvaire du plongeur de grand restaurant, l’aristocratie des garçons d’hôtel, tout cela est très captivant.
La pauvreté des vagabonds ne vient pas d’un manque de bonne volonté mais des lois, du système.
« Je dis simplement que ce sont des êtres humains comme vous et moi, et que s’ils ne sont pas tout à fait comme vous et moi, c’est le résultat et non la cause de leur mode de vie. »
Cela, c’est pour le propos, mais qu'en est-il de la forme ?
Orwell admet lui-même qu’il n’a pas la virtuosité de Zola quand il s’agit de décrire l’enfer vrombissant de la cuisine de l'hôtel X. Il en reste une qualité journalistique assez évocatrice pour nous tenir en haleine malgré quelques longueurs (surtout des répétitions et des anecdotes moins cocasses que d’autres). Une des premières anecdotes qui concerne – pour ceux qui l’ont lu – une valise transportée a un dénouement absolument jouissif. La comparaison avec Jack London me paraît aussi inepte qu’hors de propos, la philosophie très factuelle d’Orwell se détache de London qui est lui beaucoup plus poético-romanesque. Très peu de fioritures chez Orwell, on reconnaît le style sec de 1984 (que j’avais pour ma part trouvé fastidieux). J’ai essayé Hommage à la Catalogne, qui est dans la même veine, mais pour moi Dans la dèche à Paris et à Londres est pour le moment mon récit préféré d’Orwell.