Arturo Bandini n'est qu'un homme, rien de plus. Sa plume est aussi hésitante que son humeur, et ça le rend malade. Alors il traîne dans la nuit de ce Los Angeles des années trente, avec l'espoir fou d'avancer la rédaction de son roman. Il se cherche toujours, tente vaguement de se pervertir, d'essayer tout un tas de nouvelles choses, histoire d'avoir un vécu à raconter, de la substance neuve et riche. Mais rien n'y fait. D'ailleurs, il le sait très bien, il cherche ce qui cloche, il s'observe, et il parle de lui. Il alterne toutes les personnes du singulier pour se donner plus de fougue, et il use et abuse de cette langue de la rue qu'il croît avoir lue chez d'autres, parce que c'est dans l'air du temps, parce qu'il faut faire ainsi. Mais il n'a rien à raconter. D'ailleurs, il ne connaît rien aux femmes. Il n'est pas peu fier de sa nouvelle déjà publiée – qu'il évoque sans cesse – mais il sait qu'il peut aller plus loin. Cette frénésie de l'inspiration lui sert alors d'excuse pour tester tout et n'importe quoi, mais il est encore jeune et se sent vite coupable, à cause de sa mère, à cause de Dieu.

John Fante est Arturo Bandini. Son écriture accroche, suinte, et pourtant semble tellement naturelle pour décrire ce monde... Ou plutôt pour décrire le monde de Bandini, car c'est bel et bien ce qui importe ici. La guerre, les catastrophes, tout ça n'est rien comparé au Petit Chien Qui Riait, ce texte si brillamment écrit, si bien sorti de son imagination débordante, dont on ne saura d'ailleurs jamais vraiment ce dont il retourne. Mais l'essentiel n'est pas là. Ce qui l'obsède, le tiraille, c'est la même chose que chez tous les autres : l'amour. Autant de doutes, de péripéties et d'errances pour en arriver à ce Demande à la poussière, témoin sincère et authentique d'une vie ratée, faite de désillusions et de peines.
Acco
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le 27 juin 2011

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