« Dieu, que c’est beau », chantait Daniel Balavoine.
Merci Bernanos : le livre, la pièce, le film et l’opéra, j’aime tout.
Je lis, je vois, j’écoute et je pleure.
Je sens que je risque de vous perdre et qu’il est temps que ma critique revête une forme plus structurée.


Le 29 messidor an II (17 juillet 1794), au paroxysme de la Terreur, seize carmélites montent sur l’échafaud au chant du Laudate Dominum. Jamais une communauté religieuse féminine n’avait été exécutée en France. Dix jours plus tard et contre toute attente, Maximilien de Robespierre est renversé et guillotiné. Un siècle auparavant, une carmélite avait vu, en rêve, les religieuses de ce couvent dans la gloire du Paradis et la palme du martyre à la main. Le terme de martyr a pris, récemment, une étrange acception. Le mot signifiait “témoin“. Il était traditionnellement décerné aux chrétiens victimes de persécutions qui, refusant d’abjurer, étaient tués au nom de leur foi.


Nos carmélites ne se sont pas précipitées au-devant de la mort. Elles ont prêté le serment “Liberté – Égalité“ exigé. Elles ont accepté la spoliation de leurs biens et leur expulsion. Elles se sont divisées en trois groupes pour continuer à vivre, en toute discrétion, leur engagement religieux. C’était encore trop pour la municipalité de Compiègne qui les a fait arrêter. Le juge Gabriel-Toussaint Scellier, adjoint d’Antoine Quentin Fouquier (de) Tinville, les condamna à mort.


Marquée par le songe de leur aînée, la mère prieure leur avait proposé, deux ans plus tôt, un acte libre de consécration par lequel « la communauté s'offrirait en holocauste pour apaiser la colère de Dieu et (pour) que cette divine paix que son cher Fils était venu apporter au monde fût rendue à l'Église et à l'État. » L’unique survivante interrogea les témoins, puis relata leur histoire. La précision de son récit permit la béatification des nonnes en 1906. Gertrud von Le Fort, une poétesse allemande protestante convertie au catholicisme par son amie Edith Stein, se saisit de l’histoire et publia, en 1931, La Dernière à l'échafaud. Elle y introduisait un personnage, Blanche de la Force, à qui elle prêta sa propre sensibilité. Le cinéaste Philippe Agostini et le père Bruckberger acquirent les droits de la nouvelle. Ils cherchèrent un écrivain pour l’adapter. Ils sollicitèrent Albert Camus, qui les adressa à Georges Bernanos. Bien que malade, ce dernier accepta. Il rédigea son Dialogue en trois mois et décéda peu de temps après. Nous tenons son testament. Sa prose est souvent sublime, elle excelle dans la peinture de ses sujets favoris : la foi, l’honneur, la peur et la communion des saints. Jamais nous n’eûmes de plus fine représentation de la vocation religieuse féminine.


La prieure : « Ma fille, les bonnes gens se demandent à quoi nous servons, et après tout ils sont bien excusables de se le demander. Nous croyons leur apporter, grâce à nos austérités, la preuve qu'on peut parfaitement se passer de bien des choses qu'ils jugent indispensables. Mais pour que l'exemple fût efficace, il faudrait encore, après tout, qu'ils fussent sûrs que ces choses nous étaient aussi indispensables qu'à eux-mêmes... Non, ma fille, nous ne sommes pas une entreprise de mortification, ou des conservatoires de vertus, nous sommes des maisons de prière, la prière justifie seule notre existence, qui ne croit pas à la prière ne peut nous tenir que pour des imposteurs ou des parasites. (…) Eh bien, ma fille, Dieu a voulu qu'il en soit ainsi, non pas en faisant d'elle [la prière], aux dépens de notre liberté, un besoin aussi impérieux que la faim ou la soif, mais en permettant que nous puissions prier les uns à la place des autres. Ainsi chaque prière, fusse-t-elle celle d'un petit pâtre qui garde ses bêtes, c'est la prière du genre humain. »

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le 30 mars 2017

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Step de Boisse

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