“Les récompenses sont prodiguées au bel esprit, et la vertu reste sans honneurs.”

Le thème : le progrès des sciences et des arts et leur rapport à la vertu.
Le contexte du discours est important pour le comprendre. Il se situe dans une époque de bouleversement technique et scientifique. La phrase de Descartes résonne encore : “se rendre comme maître et possesseurs de la nature”. Or Rousseau ne partage pas cet enthousiasme pour le soi-disant accroissement du savoir, le progrès technique, le développement du luxe et du confort… Néanmoins il ne s’agit pas de faire une critique telle que celle des Pères de l’Église où il faudrait mettre Dieu à la place de tous ces progrès.


Le problème : le problème est selon Rousseau que nous sommes victimes d’une illusion : le “progrès” technique et scientifique, l’amélioration du niveau de vie, nous laissent penser que nous vivons dans des sociétés bonnes, qui rendent l’homme meilleur, or nous ne constatons pas de progrès dans la vertu, dans les mœurs et la moralité des individus, au contraire…


La thèse : le développement des sciences et des arts ne doit donc pas être confondu avec le développement de la vertu, qui est le souci de l’individu pour la communauté, pour ses semblables. Pire, les sciences et les arts auraient un rôle dans notre corruption, il seraient à l’origine de nos vices anti-sociaux.



Les sciences en question.



‘“L'astronomie est née de la superstition ; l'éloquence de l'ambition, de la haine, de la flatterie, du mensonge ; la géométrie de l'avarice ; la physique d'une vaine curiosité ; toutes, et la morale même, de l'orgueil humain." Seconde Partie
La thèse de Rousseau est très forte dans ce texte : il s’agit de montrer que la genèse des sciences est en réalité non-scientifique et qu’elle est tirée des vices de l’homme. A cela on pourrait lui répondre que il faut peut être y voir une positivité des passions sociales de l’homme, qui, recherchant les honneurs ou la richesse par l’entreprise scientifique et technique, parvient, en croyant satisfaire uniquement son penchant égoïste, à un progrès profitable à tous. cependant ce n’est pas le problème ici pour Rousseau, le problème est d’assurer un progrès moral véritable qui permette enfin des relations sociales et par là, la réalisation d’une communauté légitime et non pas un troupeau de bêtes cherchant à s’entre-tuer pour leur profit personnel.



[...] pour bien user de la science, il faut réunir de grands talents et de
grandes vertus [...]



Les sciences et les arts ne sont pas un raccourci vers un monde meilleur. Ils peuvent y participer, mais sans travail sur lui-même, sans un effort pour de libérer de ses passions et de son orgueil, l’homme ne pourra jamais trouver le chemin de la vertu, quelque soit sont avancée scientifique.



Les arts.



Rousseau vise à la fois dans sa critique des arts, ce qu’il y a d'artificiel dans nos rapports mais auquel on accorde une trop grande importance ou un caractère naturel non-mérité : la politesse, le jeu social des apparences, les beaux discours, la démonstration de “l’esprit”... ; mais aussi les avancées techniques nous incitant à l’oisiveté; et enfin, l’art au sens des Beaux-arts, qui contrairement à ce que l’on pense ne permet pas de développement du goût, mais aliène la populace qui ne peut comprendre les raffinements des artistes.



Points problématiques :



Rousseau ne dit pas qu’il est nécessaire de retourner dans les bois et de vivre en dehors de toute science. L’état du sauvage ou état antérieur à la société est révolu (s’il a jamais existé) et c’est un processus historique irréversible. Reste à savoir comment penser la société pour qu’elle soit véritablement une société, c’est-à-dire une communauté d’individu mus par la vertu, le souci de cette totalité.


Il est difficile de concevoir l’origine du malheur de l’homme : les sciences et les arts naissent-ils du vice inhérent à l’homme ou est-ce ces sciences qui nous rendent vicieux ?
L’origine se situerait dans l’inégalité introduite par l’entrée en société : avec les passions sociales “D’où naissent tous ces abus, si ce n’est de l’inégalité funeste introduite entre les hommes par la distinction des talents et par l’avilissement des vertus” Mais aussi par la propriété, dans le Second Discours : « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. ».



TL;DR :



Ce que Rousseau montre c’est que l’on ne peut pas attendre du simple progrès technique et scientifique, du développement des arts, qu’il en découle nécessairement un progrès moral, une prédominance de la vertu.



A quoi bon chercher notre bonheur dans l’opinion d’autrui si nous
pouvons le trouver en nous-mêmes?


MichelScott
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le 25 mars 2015

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