TW : violences patriarcales, inceste, féminicides

Ce livre est un essai littéraire en ce sens qu'il mêle l'expérience de l'autrice, Rose Lamy, en tant que femme dans un monde patriarcal avec des notions de droit.


Présentation globale

Elle va tout au long du livre détricoter la genèse du patriarcat dans le droit, en partant du droit romain et du fameux bonus pater familias (en bon père de famille en latin), pour ensuite le relier à des faits de plus en plus récents. Elle analyse le traitement médiatique fait de ce qui est majoritairement nommé "faits divers", "violences conjugales/domestiques", et qui ignore donc ce qui est pourtant l'essence et le point en commun de tous ces faits : la violence masculine misogyne.


Présentation chapitrée

Rose Lamy explore dans l'introduction sa propre histoire au travers de l'image fausse de son père qu'on lui a inculquée et ce que cela a bougée en elle quand elle a appris la vérité.

Dans le premier chapitre, elle traite de la place du père au sein de la cellule familiale, comment les violences patriarcales y sont non seulement acceptées mais même défendues, par le droit et par les média, avec notamment toute une réflexion sur l'articulation entre le féminisme et l'adultisme et assez logiquement aussi l'inceste.

Dans le second chapitre, elle analyse le discours médiatique autour de l'image du monstre, de la monstruosité, permettant aux hommes en tant que groupe de se dédouaner de toute responsabilité car il y aurait les hommes "normaux" et les "monstres". On peut y voir une forme de reprise du concept de banalité du mal développé par Hannah Arendt, où les hommes en tant que groupe dominant banalise les violences à la fois sur les femmes et les groupes sociaux minorisés, mais également contre d'autres hommes, ce qui est développé dans le chapitre suivant. Elle montre par l'exemple comme les féminicides sont perçus différemment selon que le tueur soit le mari ou un inconnu. Le premier aura le droit à un ensemble de vocabulaire autour de la passion voire l'amour, tandis que le second sera pointé avec le champ lexical du monstre. La notion de continuum des violences sert beaucoup à Lamy pour montrer que toutes les violences patriarcales servent un même but : l'asservissement par la violence de tout ce qui n'est pas à l'image de l'homme moderne dominant.

Dans le troisième chapitre, elle décrit de manière plus détaillée la construction de l'image du monstre, qui se recoupe quasi systématiquement avec celle de l'étranger. Du fait que la violence envers les hommes est exercée en écrasante majorité par d'autres hommes, cela permet aux hommes en tant que groupe de pouvoir pointer un "monstre" tout en ignorant toutes les autres formes de violence et ainsi pointé un groupe qui servira de bouc-émissaire. Lamy traite dans ce chapitre du fémonationalisme et de l'usage des femmes d'autres pays pour nuancer et minimiser la violence que subissent celles en France, voire pire pour dire qu'elle viendrait d'un influence étrangère et serait perpétré par des personnes étrangères.

Dans le quatrième chapitre, Lamy analyse comment les stratégies masculines vues comme positives sont souvent influencées par le patriarcat. Elle prend l'exemple du fait de donner dans l'espoir de recevoir et non pas donner pour faire plaisir (et savoir donneeeeer... hem) et celui des des bons pères "ratés" excusés car renvoyer à l'errare humanum est (l'erreur est humaine).

En conclusion, Rose Lamy revient à un aspect plus personnel en parlant de sa motivation pour écrire ce livre : sa relation avec sa famille et notamment sa mère. Elle nous partage son empouvoirement au travers de la compréhension de la violence qu'elle et tant de femmes subissent afin de pouvoir se réparer, avancer et même nuancer en pardonnant, non pas pour dédouaner les hommes mais au contraire pour leur laisser la responsabilité de leurs actes en leur disant les conséquences de ce patriarcat sur la vie des femmes.


Mon analyse

Cet essai est un très bon résumé de l'origine des violences patriarcales et de diverses formes que celles-ci peuvent prendre. Le bon père de famille en tant que figure juridique, sociale et morale représente la quintessence de la banalisation de la violence patriarcale, la base de la pyramide de cette violence.

J'ai fait beaucoup de liens avec Hannah Arendt autour de la thématique de la banalisation de la violence et de la construction de l'homme moderne. Si le thème de l'hégémonie masculine vous intéresse, je vous conseille la lecture de toute l’œuvre de Francis Dupuis-Déri, notamment Les hommes et le féminisme qui est à mon sens son analyse la plus actuelle. Je vous conseille également la lecture de On ne naît pas mec de Daisy Letourneur où elle explore en détail les différents archétypes de la masculinité en sortant des schémas masculinistes et en montrant les jeux de domination au sein de la masculinité, et l'existence de masculinités hégémoniques, mettant au centre de leurs modes de vie le virilisme, et a contrario de masculinités minorisées souvent plus diverses et décrites par les autres catégories d'hommes comme féminines et donc rejetées et subissant directement la violence viriliste. Vous pouvez également lire l'essai d'Olivia Gazalé, Le mythe de la virilité, qui aborde par une grille d'analyse socio-philosophique l'image de l'homme virile et ce qu'elle dit des attendus qui est fait des hommes et comment cela représente une forme d'auto-sabotage qui a pour conséquence de renvoyer la violence que l'on s'inflige à son entourage.


J'espère que vous apprécierez ce livre autant que je l'ai apprécié et je vous conseille pour prolonger la réflexion de regarder les nombreuses interviews et vidéos que Rose Lamy a données autour de cet ouvrage mais également son analyse actualisée qui a évolué depuis, notamment sur la place de la classe et de la race en tant que stigmates sociaux, qui a d'ailleurs donné lieu à son ouvrage Ascendant beauf, qui est une critique de la masculinité hégémonique bourgeoise et de son usage de l'image du beauf afin d'altériser et donc tenir à l'écart ce qui ne serait pas une bonne manière d'être socialement, notamment au travers de ce que Bourdieu appelle la violence symbolique.

RPGsquare
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le 14 août 2025

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