Entre deux mondes : l'engagement au coeur de la complexité.

Si le titre n'était déjà pris par Victor Hugo , Olivier Norek aurait pu intituler son roman :"Choses vues".

Il a en effet enquêté "sur le terrain" pendant plusieurs semaines à la fois dans la jungle de Calais , mais aussi auprès des policiers et des habitants de la ville.

Petit fils d'émigrés polonais , il présente à travers un roman policier intempestif comme dirait Nietzsche , toute la complexité de l'exode de populations soudanaises , afghanes , syriennes et autres en Europe.

Un entre deux mondes multiples:

-entre deux monde de la Jungle pour les migrants eux -mêmes , pour qui "youke" ( United -Kingdom) reste une terre promise face à l'enfer que souvent ils quittent , une espèce de zone de non droit où comme le dit l'auteur , les cinq piliers de toute enquête son impossibles : deux piliers anciens : le témoignage et les empreintes digitales ( créées au début du XXème siècle à l'époque de Clémenceau : elles sont mentionnées dans le premier épisodes des Brigades du Tigre ) et trois plus contemporains: l'ADN , les les réseaux sociaux et la téléphonie internet .

• entre deux mondes à la limite du supportable aussi pour les policiers écartelés entre l'impossibilité d'arrêter les migrants ( cela les incorporerait au territoire ) mais devoir malgré tout de ne pas les laisser embarquer pour l'Angleterre et de les empêcher de s'infiltrer dans les camions , interdit d'utiliser la violence mais contrainte malgré tout de l'usage de la force quand les migrants eux - mêmes attaquent en commandos féroces les chauffeurs routiers .

  
  

  Incapacité à gérer une crise qui les dépasse mais nécessité d'agir malgré tout pour un empêcher malgré tout un exode des Calaisiens et , peu à peu , toute l'activité d'une ville elle-même en crise économique et immobilière .

Beaucoup de ces policiers sont presque aussi déboussolés que les migrants qu'ils recherchent: leur taux de dépression et de suicide est élevé et leurs demandes de mutation refusées car cela viderait les commissariats .

Entre deux mondes pour les Calaisiens eux-mêmes : entre humanisme et faisceau de réalités douloureuses .

Un problème complexe donc et à plusieurs échelles: celle des migrants , de la Jungle , de Calais , de la région , de la France , de l'Europe et du monde . Problème également à aspects multiples : sociologique , anthropologique , économique , judiciaire et juridique et évidemment politique .
L'auteur parvient à ne pas se noyer dans cette complexité et tous ces "entre- deux" , pour insérer une intrigue faisant intervenir plusieurs personnages attachants .

Peut-être les émotions qu'il chercher à transmettre au lecteur prennent elles le risque du misérabilisme : l'enfance ultra malheureuse.. mais risque n'est pas chute .

C'est d'ailleurs tellement glaçant parfois qu'on se demande où est la part documentaire et où est la part de fiction.: car c'est aussi un entre deux littéraires entre roman policier et excellent documentaire .

D'après l'auteur , il semble que les éléments les plus incroyables soient véridiques.

C'est ainsi un excellent roman courageux et engagé , dans lequel tout lecteur apprend beaucoup de choses , car l'auteur prend partie sur un sujet brûlant , une vraie "patate chaude" dont beaucoup voudraient bien se débarrasser et il montre , pour cette fois en tout cas comme le disait Sartre en 1945 dans sa conférence à la Mutualité qu'à la situation existentielle des migrants réfugiés: 0,03 % de la population mondiale , on peut apporter une réponse humaniste : oui l'existentialisme peut être "humanisé" .

Il nous rappelle aussi que ce n'est pas parce que la Jungle de Calais a été démantelée que "l'oeil n'est plus dans la tombe et ne regarde plus Caïn".