La Barbade. Côté face, ses cocotiers sur ciel d’azur et sable d’or, ses villas luxueuses face à la mer, et ses touristes, riches et blancs, venus oublier les longs mois d’hiver de chez eux. Côté pile, dans une ombre encore obscurcie par un si éclatant mirage, insupportable d’inaccessible proximité, la pauvreté et la désespérance de jeunes Noirs du cru sans avenir.


Malgré les mises en garde de sa grand-mère qui, à grand renfort de contes édifiants comme celui du titre, l’a élevée en espérant la protéger des mille dangers qui guettent les filles pleines de rêves, Lala a succombé au charme trompeur d’Adan, un voyou qu’elle a épousé et dont elle attend un enfant. Le couple vivote dans un modeste cabanon en bord de plage, quand Adan commet l’irréparable. Au cours d’un cambriolage foireux qui tourne au drame, il tue le propriétaire des lieux, anéantissant du même coup deux existences : celle de Mira Whalen, la veuve de la victime, que son mariage avec un riche Anglais avait inespérément élevée au-dessus de sa modeste condition d’insulaire, et celle de Lala, qui, avec son nouveau-né, fait les frais de la violence déchaînée d’un Adan aux abois.


Pour les femmes de cette histoire, l’avenir ne se décide qu’au travers des hommes. Si certaines, comme Mira, en sont conscientes et en usent pour s’offrir une meilleure existence, d’autres investissent leur vie sans calcul, éblouies par une séduction éphémère qui ne les protégera pas longtemps des pires désillusions. Dans un cas comme dans l’autre, leur dépendance est totale : dans la famille de Lala, elles subissent sans recours violence conjugale et inceste, ivrognerie et dérives criminelles de leurs maris ; dans la situation de Mira, elles perdent tout en cas de séparation ou de veuvage.


D’une plume qui jamais ne juge, mais décortique avec subtilité la macération du désespoir et de la colère, qui, au fil de générations confrontées à un clivage social abyssal, engage bien des paradis insulaires dans un engrenage de violence de plus en plus incontrôlable, ce premier roman d’une grande maîtrise met en scène de bien crédibles et poignants personnages, transformés peu à peu, et malgré eux, en hommes et femmes au bord de l’explosion. Heureusement, l’amour et le sacrifice produisent parfois leurs fruits, et, peut-être, l’espoir est-il encore permis…


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Cannetille
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le 22 avr. 2022

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