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L’arnaque du siècle, vraiment ? Gaudissart et ses collègues ne font qu’appliquer ce qu’apprendront plus tard quelques millions de demi-nigauds titulaires d’un diplôme en force de vente, action...
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le 1 mai 2025
L’arnaque du siècle, vraiment ? Gaudissart et ses collègues ne font qu’appliquer ce qu’apprendront plus tard quelques millions de demi-nigauds titulaires d’un diplôme en force de vente, action marchande, etc., et qui est désormais l’objectif de n’importe quelle AI chargée de vendre des couteaux japonais chinois ou des machines à fourrer les hot-dogs. « Savoir vendre, pouvoir vendre, et vendre ! Le public ne se doute pas de tout ce que Paris doit de grandeurs à ces trois faces du même problème » (p. 847) : ce sont, telles quelles, les deux premières phrases de Gaudissart II, et qui, débarrassées de leur limitation géographique, pourraient tenir lieu de résumé d’un congrès du Medef ou de l’UMIH.
Une différence entre les personnages de Balzac et les demi-nigauds acheteurs de couteaux japonais chinois ou de machines à fourrer les hot-dogs, c’est que ceux-ci n’ont pas forcément conscience d’être des marionnettes sociales, tandis qu’avec ceux-là, c’est tout l’enjeu. « Examinons qui fait le mieux son personnage, ou de l’acheteuse ou du vendeur ? qui des deux l’emporte dans ce petit vaudeville ? » (p. 849), demande explicitement le narrateur. Dans le cas présent, aucun doute : les commis du Persan sont les vainqueurs et le savent, tandis que l’acheteuse finale est dupe de ses propres passions.
Il faut dire que le combat était déséquilibré : d’un côté une femme désœuvrée, de l’autre une escouade de vendeurs capables de repérer immédiatement – et sans algorithme ! – à quel type de cliente ils ont affaire et de s’adapter à elle : « Les Anglaises ont un dégoût particulier (car on ne peut pas dire un goût), elles ne savent pas ce qu’elles veulent, et se déterminent à prendre une chose marchandée plutôt par une circonstance fortuite que par vouloir. J’ai reconnu l’une de ces femmes ennuyées de leurs maris, de leurs marmots, vertueuses à regret, quêtant des émotions, et toujours posées en saules pleureurs… » (p. 856). C’est Gaudissart II qui parle – et un peu Balzac, bien sûr.
D’ailleurs, essentialiste et taillée à la serpe, cette analyse du meilleur des vendeurs ? Bien sûr ! Mais jetez un œil à cette littérature managériale qu’on lit parfois chez les vendeurs néophytes ou aguerris, et on verra si elle fait la part belle au libre arbitre et à la subtilité.
Deux points me semblent apporter un peu de subtilité, précisément, à cette nouvelle qui avec ses dix pages apparaît comme le texte le plus court de La Comédie humaine. Le premier, souligné en introduction par l’éditrice de « La Pléiade », est son ancrage dans toute une série de récits présentant des magasins : la boutique des Guillaume dans La Maison-du-chat-qui-pelote, puis La Reine des roses dans César Birotteau et, donc, Le Persan. Différentes étapes de l’évolution du commerce à Paris, mais aussi – tissu, cosmétique, châle – trois façons d’exploiter la coquetterie.
Le deuxième point est l’omniprésence du thème du regard. On sait que Balzac, en plus des trop fameuses descriptions, n’hésite jamais quand il s’agit de noter un échange de regards significatif, mais avec Gaudissart II, on atteint des sommets : le panorama parisien au début du récit, le succès du magasin qui s’explique notamment par son orientation par rapport à la lumière du jour, la prise d’informations et la communication visuelle du groupe de vendeurs et enfin ce désir d’être vue qui décide l’Anglaise à acheter le châle.
Tout cela sans sous-titres générés automatiquement.
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Créée
le 1 mai 2025
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