DON'T PANIC !

Le point crucial, c'est qu'il est bien inutile de se rendre dingue à essayer de s'empêcher de devenir fou.

Hier, j’ai enfin bouclé un périple de plus de quatre mois : la lecture d’H2G2, alias la plus grande trilogie en cinq volumes de la galaxie. Mille pages d’absurde, d’humour britannique pince-sans-rire et de chaos organisé, où l’on rit à s'en péter la mâchoire, même si l’ensemble reste parfois un peu brouillon et capillotracté.

Rien ne va plus vite que la lumière, à l’exception peut-être des mauvaises nouvelles qui obéissent à leurs lois spécifiques. Les [espèces] ont certes essayé de construire des astronefs propulsés par les mauvaises nouvelles mais leur fonctionnement laissait à désirer, sans compter qu’ils étaient extrêmement mal accueillis chaque fois qu’ils débarquaient à un endroit où on ne les attendait pas vraiment.

Tout le monde connaît la fameuse réponse à la grande question de la vie, de l’univers et du reste : 42. Mais qui se souvient que ce chiffre sort tout droit d’une gigantesque expérience pilotée par des souris architectes de planètes, notre bonne vieille Terre n’étant qu’une immense simulation nourrissant les commandes du plus extraordinaire des ordinateurs jamais conçu et destiné à pondre ladite réponse ? Même si, le problème face à cette énigmatique réponse, vient du fait que nous n'ayons tout simplement jamais vraiment compris la question. Voilà le ton : démesuré, saugrenu et follement inventif.

Il y avait une morale à cette histoire, mais elle a temporairement échappé à l’esprit du narrateur.

Dans ce space opera fichtrement déjanté qui nous mènera jusqu'aux confins de la galaxie pour faire halte dans un restaurant bloqué à la fin du monde, on croise Arthur Dent, humain mollasson et pantouflard dont la planète est pulvérisée au bout d’une quinzaine de pages pour faire place à une déviation galactique. Sauvé in extremis par son ami Ford Prefect - en réalité un extraterrestre de Bételgeuse perdu sur Terre depuis plus de 15 ans -, ils embarquent à bord d’un vaisseau Vogon, ces « erreurs fatales de l’évolution » à la poésie extrasensorielle plus destructrice que leurs armes à même de décaper une planète. Ajoutez à l’équipage Marvin, androïde paranoïde génial et désespérément dépressif, et Zaphod Beeblebrox, un aventurier spatial affublé de deux têtes, dont une est présidente de l'univers, tandis quel l'autre semble avoir effacer (in)consciemment de sa mémoire un des plus grands secrets de l'histoire, et vous obtiendrez une galerie de personnages aussi rocambolesques qu’inoubliables.

Il espéra, il pria pour qu'il n'y ait pas d'au-delà. Puis se rendit compte qu'il y avait là une contradiction interne et se contenta d'espérer qu'il n'y eût pas de vie éternelle. Il s'y serait senti très, très gêné de retrouver tout le monde.

Douglas Adams, ancien complice des Monty Pythons et scénariste de Doctor Who, se moque de tout avec un style inimitable : de notre incroyable égocentrisme, de notre obsession séculaire à chercher un sens à tout, de la religion, des guerres absurdes ou de la bureaucratie kafkaïenne. Même les conventions narratives passent à la moulinette, avec des trouvailles comme la fameuse « machine à improbabilité infinie ». De toute façon, on ne lit pas H2G2 pour son intrigue (du moins pas pour les deux derniers tomes foutraques), mais bien pour plonger dans l'imaginaire débordant d'un auteur à nulle autre pareil. C'est simple, H2G2 est de ces livres qui ont su ouvrir des portes, élargir notre imaginaire.

D'après mon médecin, je souffre d'une malformation de la glande altruiste assortie d'une déficience de la fibre morale et en conséquence je suis dispensé de sauver l'Univers.

En effet, sans H2G2, difficile d’imaginer Futurama ou Rick & Morty. Adams a inventé un univers où l’absurde devient une arme presque poétique et une façon de voir/penser le monde. Bref : un monument d’humour et d'extravagance, à la fois intemporel et totalement flamboyant.

N’est-il pas suffisant de contempler un jardin si magnifique sans avoir à croire en plus que des fées l’habitent ?