Jean Lopez met fin au mythe Guderian

Ma lecture estivale : l'excellent Guderian de Jean Lopez. Dans un style toujours aussi fluide et plaisant à lire, teinté d'ironie, l'auteur déconstruit le mythe du soldat invincible aux mains propres, "inventeur" des divisions panzer, fable qu'Heinz Guderian s'était lui même construit dans ses mémoires, bien aidé par les historiens britanniques comme Liddle Heart (un mandarin doublé d'une vraie crapule). Non seulement Guderian n'est qu'un rouage dans l'élaboration de l'arme blindée allemande (important, certes) mais il n'est en rien original par rapport à la masse d'officiers de sa génération : profondément réactionnaire, orgueilleux, créatif dans la prise de décision à l'échelon tactique mais atteint d'une profonde cécité stratégique, ne comprenant rien à la politique, à la logistique, pourtant des matières inséparables de la guerre moderne. Concernant sa soi-disante intégrité et son opposition à Hitler, elle ne repose sur rien d'autres que ses mensonges. Nazi convaincu, corrompu, il n'est peut-être pas à ranger dans la catégorie des béni-oui oui du Führer comme Jodl ou Keitel, mais pas non plus parmi les très nombreux cadres de la Wehrmacht qui se sont opposés à Hitler (surtout après Barbarossa, dès lors que ça commencait à sentir le roussi), voire ont tenté de le tuer et l'ont payé de leurs vies. Sauvé par les Américains et les Britanniques du châtiment suprême qui l'attendait en Pologne ou en URSS, il n'est en rien un soldat aux mains propres. Il a couvert bon nombre d'atrocités commises en Pologne et en URSS, et comptait parmi ses proches des bourreaux de la SS. Parmi les chefs les plus illustres de la Wehrmacht, Manstein (qui lui ressemble beaucoup par certains aspects) était plus compétent, et Rommel (pas moins doué que lui) n'a pas le sang de centaines de milliers de civils sur les mains. À noter, le passage de la campagne de France et de l'application du plan jaune qui se lit comme le meilleur des polars ; ainsi que la conclusion (un registre dans lequel Jean Lopez excelle) qui explique implacablement pourquoi Guderian fascine toujours aujourd'hui, et ce pour des raisons plus que nauséabondes. À mettre dans la bibliothèque de n'importe quel passionné de la WWII.