Un indispensable!
Tout simplement la référence.
Par
le 28 déc. 2010
5
Lire Hollywood classique : le temps des géants de Pierre Berthomieu, c’est s’immerger dans une œuvre de dévotion, une entreprise titanesque d’analyse, de célébration et d’érudition consacrée à l’âge d’or du cinéma américain. Mais c’est aussi, pour moi, une expérience personnelle, marquée par la profonde gratitude que j’éprouve envers l’auteur, dont j’ai eu le privilège d’être l’élève, et à qui je dois tant, en tant que maître de mémoire et mentor intellectuel. Cette critique, bien qu’admirative, n’en sera pas moins attentive à l’extrême exigence que le sujet impose — et que Berthomieu honore avec une rigueur admirable.
Ce livre n’est pas simplement un essai universitaire : c’est une somme. Précis, foisonnant, lyrique, il explore le classicisme hollywoodien avec une densité rare, mêlant finesse analytique et ampleur stylistique. Ce n’est pas un inventaire ou un survol, mais un corps-à-corps avec les films, les cinéastes, les images — un dialogue passionné avec John Ford, George Cukor, William Wyler, ou encore Vincente Minnelli. Berthomieu ne se contente pas de relater une histoire du cinéma ; il la réécrit avec la ferveur d’un esthète, la précision d’un historien, et la sensibilité d’un poète.
Son style, baroque et fluide, parfois traversé de métaphores éblouissantes, peut déconcerter les lecteurs habitués à la sécheresse des discours académiques. Mais c’est justement là que réside sa singularité : une critique qui pense en cinéma, qui épouse les mouvements, les nuances, les clairs-obscurs d’un art fondé sur la mise en scène du monde et de l’âme. Loin d’un regard distant, Berthomieu s’abandonne à la beauté, à la lumière, à l’émotion. Il écrit le cinéma comme on composerait une musique — en strates, en harmoniques, avec des leitmotivs esthétiques qui reviennent, se transforment, se déploient.
On est frappé par la manière dont il parvient à conjuguer approche formaliste et analyse sensible. Le classicisme hollywoodien, souvent réduit à ses stéréotypes ou à une esthétique "invisible", est ici redécouvert dans toute sa puissance expressive. Chaque mouvement de caméra chez Preminger, chaque lumière sculptée chez Wyler, chaque geste codifié chez Hawks devient porteur de sens, d’émotion, d’idéal. Le cinéma classique, chez Berthomieu, n’est pas un style révolu : c’est une langue du sublime.
Mais Le temps des géants n’est pas uniquement un hommage. C’est aussi une œuvre critique exigeante, parfois sévère, qui ne cède jamais à la nostalgie aveugle. Berthomieu sait reconnaître les limites, les idéologies, les impensés du système hollywoodien. Il montre comment ce classicisme, en quête de perfection formelle, a aussi été traversé par des tensions, des contradictions, des révolutions esthétiques internes. Il rend justice aux grands noms comme aux figures plus marginales, et offre à ses lecteurs une constellation vertigineuse d’analyses, qui transforme notre regard sur des films parfois trop vite classés ou oubliés.
Pour moi, qui ai eu l’honneur de travailler sous sa direction, ce livre est aussi le reflet d’un enseignement généreux, exigeant, presque sacerdotal. Berthomieu ne transmet pas simplement un savoir : il le partage avec ferveur, il le vit. Il m’a appris à regarder les films non pas comme de simples objets culturels, mais comme des formes vivantes, comme des œuvres ouvertes sur l’absolu. Hollywood classique : le temps des géants prolonge cette leçon, et en devient l’expression la plus magistrale.
En somme, ce livre est un phare pour tout cinéphile sérieux, un ouvrage de référence que l’on consulte, relit, annote, et qui accompagne durablement la pensée et le regard. À l’heure où l’héritage du cinéma classique semble tantôt idéalisé, tantôt ignoré, Berthomieu redonne à cette époque sa complexité, sa grandeur, et surtout sa vitalité. Oui, il s’agit bien du temps des géants — et Pierre Berthomieu, par son œuvre critique, se tient désormais parmi eux.
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Créée
le 5 juil. 2025
Critique lue 8 fois
1 j'aime
Tout simplement la référence.
Par
le 28 déc. 2010
5
Je vous écrirais bien une critique sur Fight Club, mais je n'en ai pas le droit.
Par
le 23 oct. 2016
51 j'aime
6
SensCritique, parfois, tu m'étonnes. Tu m'étonnes parce qu'à l'heure où j'écris ces lignes, tu octroies la note de 6,4 à X-Men : Apocalypse. Alors certes, 6,4 sur plus de 2600 notes en l'espace de...
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le 24 mai 2016
35 j'aime
29
The Rooftop Bar, Downtown LA, 8H23 p.m., 13 mars 2013. Hey, bonsoir monsieur Colin ! Salut Moe. Une Tequila s'il-te-plait. Tequila ? Comme ça, direct ? Vous avez des soucis au boulot ? Y vous font...
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le 19 juin 2015
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