Hourra l'Oural
6.7
Hourra l'Oural

livre de Louis Aragon (1934)

"peut-être aurait-il fallu recomposer Hourra l'Oural tout en entier en récit de voyage, et suivre ainsi le "petit cheval" que j'étais sans doute d'étape en étape, dans l'ordre de notre voyage, s'étonnant des spectacles qui s'offraient à lui, de ville en ville, ou plutôt de chantiers en chantiers."


Eh bien je suis d'accord avec Monsieur Aragon ; il tente un peu, ici, de nous imposer son émerveillement plutôt que de nous le faire partager, comme s'il était déjà acquis et non en train de l'être. Du coup, on a plus une succession d'images bien faites, bien lisses, déjà apprêtés, plutôt qu'un mouvement, une dynamique.


Reste que, quoi qu'on en dise, la prose d'Aragon continue de faire des merveilles ; l'ensemble reste savamment structuré, et la construction littéraire bénéficie encore une fois de toute sa virtuosité. Il se paie même le luxe de mettre en scène ses poèmes, notamment dans la première partie, où il tresse une opposition entre le monde immaculé des bourgeois qui passent au-dessus dans le train, et celui sale, dur, brûlant, de ceux qui travaillent dans la terre, en-dessous ("Et maintenant voici la foule / qui s'étale ignoblement / Ses mains sales sur les palais / de malachite Ses mains sales sur les / coupoles d'or des églises Ses mains sales / sur les meubles de l'argenterie et le linge fin des princesses / Ses mains ses mains sales sur les petits corps des malheureuses grandes-duchesses") ; avant de superbement laisser de côté ces bourgeois pour se consacrer exclusivement à la glorification du prolétariat et de sa lutte.


Ne nous laissons pas distraire par les restrictions esthétiques imposées par l'idéologie dominante. Oui, ce livre suinte dans toutes toutes ses lignes, dans tous ses pores, le communisme, et le pire qui soit, le communisme soviétique. Mais, si vous n'avez que ça à dire de lui, si, de vous-mêmes, vous vous arrêtez à ce simple constat, cela prouve bien que vous n'y comprenez rien, que vous êtes incapable d'aller plus loin, plus profond dans le texte ; car il y a bel et bien d'autres choses à dire de celui-ci que, simplement, "c'est un livre communiste". Et puis, vous montrez aussi toute l'étendue de votre mauvaise foi ; car enfin, vous avez bien lu Bagatelle pour un massacre...

Créée

le 19 mai 2020

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