Orgueil et fellation

C'est l'histoire de Marcus, un brave étudiant de 19 ans. Marcus est studieux, sérieux. Il a un gentil papa très travailleur et une maman encore plus gentille. Bref, Marcus c'est le mec qui a une vie parfaite et chiante. Tellement que même son papa il trouve ça suspect. Il se met à psychoter. Genre Marcus il va mal tourner, va être envoyé à la guerre en Corée et mourir comme ses cousins. Du coup, papa Marcus flippe tellement qu'il devient ultra chiant. Mais genre, vraiment très très chiant. Alors son fiston, il en a ras les couettes et il se casse à l'université à l'autre bout du pays.

Là, y a une fille qui lui fait une pipe. Et sa vie bascule. Ça le trouble trop. Mais pourquoi elle a fait ça ? Alors c'est vrai, y a un contexte : c'est les années 50, on est dans une fac traditionaliste et ils se connaissent à peine. Mais enfin, mon vieux, il faut te ressaisir, ce n'est qu'une fellation ! Même si c'est la première de ta vie et que sûrement que pour un homme ça veut dire quelque chose.

A partir de là, c'est la dégringolade pour Marcus. Il a choisi la fille qui plairait le moins à papa et maman, une nana suicidaire et volage. Il tente de donner une leçon d'anticléricalisme au doyen ultra conservateur et cul béni de sa fac et il sèche l'office religieux ! Bref, c'est Marcus le gros rebelle. Même qu'il vomit sur la moquette du doyen. Fuck l'autorité ! Il est à deux doigts d'obtenir un poste de chroniqueur chez France Inter.

On va donc suivre la réaction en chaîne d'événements qui découle de LA pipe jusqu'au dénouement annoncé dès les premières pages : la mort de notre étudiant.

Si Philip Roth nous parle d'un jeune adulte des années 50, on ne sent pas tant que ça la distance des années. Il suffit de voir le jugement sévère dont Olivia (son amoureuse) est l'objet. Elle suce, donc c'est une salope. Elle a eu des rapports avec plusieurs mecs, c'est pas une fille avec qui on reste. On va pas se mentir, le discours n'a pas franchement évolué. L'être humain n'ont plus d'ailleurs.

On a tous pu expérimenter l'évasion adolescente au moment de quitter le foyer familial et la volonté de s'émanciper de l'autorité paternelle. Et franchement, je comprends son agacement face à ce paternalisme soit-disant bienveillant dont l'objectif est juste de te formater l'esprit pour que tu rentres dans le moule. La nécessité aussi d’asseoir ses opinions face aux représentants de l'ordre, ces vieux chnoques qui ne comprennent rien. Et ouais, comme Marcus, on a tous envie de faire la révolution avant d'apprendre à passer nos diplômes et à se nourrir tout seul !Finalement, c'est un livre sur la recherche de soi, au moment du passage à l'âge adulte.

Roth en profite aussi pour dire ce qu'il pense de la religion, de l'hypocrisie des croyants qui trichent bien plus que Marcus mais se cachent, du puritanisme, de l'absurdité de la guerre de Corée. C'est comme un règlement de compte avec la société de sa jeunesse. Avec la société tout court. Et c'est bien écrit. Il y a même quelques réflexions sur la mort. Du coup, le livre est top pour le bac de philo. Et c'est même pas chiant à lire.

C'est très court et ça se lit bien, en 3h maxi. Et même si l'histoire est pas ultra marrante, l'écriture teintée d'ironie aide à faire passer. Seule petite déception, la fin : le fait qu'il soit dans le coma lorsqu'il nous raconte son histoire, et pas encore mort. Je trouve que ça fout en l'air toute une partie de ses divagations. Enfin, ça reste un super roman.

Je vous laisse sur ma citation préférée du livre, dont je ne me lasse pas, et qui le résume plutôt bien :

« La voiture dans laquelle j'avais emmené Olivia au restaurant puis au cimetière – un véhicule historique, disons même un monument, en quelque sorte, dans l'histoire de l'apparition de la fellation sur le campus de Winesburg dans la seconde moitié du XXè siècle – fut propulsée sur le coté de la voie et fit un tête queue sur Lower Main avant de s'embraser »