Indignation
7.6
Indignation

livre de Philip Roth (2008)

Alors que Roth vient d'annoncer qu'il arrêtait l'écriture, et qu'on pouvait penser à la lecture de ses derniers romans - formidables, mais un peu moins quand même que ses plus grands livres des décennies précédentes - qu'il tournait en effet en rond autour de ses obsessions - tout-à-fait légitimes certes - du vieillissement et de la perte, voilà que la lecture de ce très court roman "d'initiation" qu'est "Indignation" nous rappelle brillamment - et un peu cruellement - que le génie de Roth est toujours bel et bien là, au travail. En reprenant la voix d'un jeune homme innocent et un peu naïf, sans doute semblable à celui qu'il a été dans les années 50, Roth semble retrouver le meilleur de lui-même, dressant le portrait cruel d'un monde corseté dans ses principes moraux, politiques, sociaux - un monde "digne", dont il nous fait sentir toute l'horreur de manière régulièrement saisissante... Mais, et c'est là toute l'originalité de Roth, là où la plupart des écrivains se seraient contentés de faire de leur(s) héro(s) des rebelles-victimes de l'oppression généralisée qu'exerce la société américaine, lui préfère équiper son personnage d'une vraie capacité "d'indignation", qui semble - de manière presque surnaturelle - contaminer le microcosme de l'université au tour de lui, et semer les premières graines de ces révoltes qui changeront le monde à la fin des années 60. Tout cela ne serait rien sans la construction fictionnelle assez extraordinaire de "Indignation", avec un "twist" surprenant en pleine course, et une véritable prolifération de la fiction dans l'avant-dernière partie du livre, juste avant que la "morale" - injuste, odieuse, honnie - ne vienne conclure tragiquement la trajectoire de notre héros. Tout cela ne serait pas grand chose non plus sans l'habituelle beauté du style de Philip Roth, tout en économie et en classicisme en trompe l'oeil, un style qui transforme chacune des péripéties de "Indignation" en un ravissement pour le lecteur.
EricDebarnot
9
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le 24 févr. 2013

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Eric BBYoda

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