Pamphlet libre et mal peigné, à mi-chemin entre le crachat et le poème.

J’suis pas plus con qu’un autre n’est pas un roman. Pas un essai non plus. C’est un tas de pensées brutales, débraillées, viscérales, jetées sur le papier comme on balance des bouteilles à la mer depuis une table bancale d’un rade de Brooklyn. Henry Miller y parle de tout et de rien, surtout de rien, mais avec la fièvre d’un mec qui sent la fin approcher

et qui n’a plus rien à prouver – ni à lui, ni à la littérature, ni à Dieu.


Un style qui pue la clope, l’égo et la liberté

Miller, c’est la verve d’un anar mystique,

capable de te sortir une vérité sur la mort entre deux blagues misogynes et une déclaration d’amour à la solitude. Irritant, mais jamais creux. Grinçant, mais vivant. Ce n’est pas du cynisme. C’est de la lucidité blessée, avec un reste de tendresse pour les paumés.

Un des charmes les plus inattendus du livre, c’est que Miller l’a écrit directement en français, dans cette langue qu’il malmène autant qu’il l’adore. Et ce choix, loin d’être anecdotique, donne au texte une fragilité touchante et sincère. Ses fautes, ses tournures bancales, ses éclairs poétiques mal maîtrisés… tout ça crée une langue cassée, étrangère mais vivante, comme un vieux piano désaccordé qui sonne juste malgré tout. On lit parfois à travers son accent mental, un mélange d’admiration, de gaucherie. Et c’est peut-être là, dans ces fautes de syntaxe ou ces bizarreries d’expression, que réside la vérité de son geste : écrire avec ce qu’on a, même mal, même loin de sa langue. Un Américain qui jure et qui philosophe en français, c’est aussi une manière de déconstruire le mythe de l’écrivain génial : ici, il se dévoile comme un gars paumé qui tente de dire l’essentiel avec une langue qu’il ne maîtrise pas. Et parfois, c’est encore plus beau comme ça.


À lire comme un journal de survie mentale

Il balance sur la politique, les cons, les artistes chiants, mais aussi sur la beauté d’un instant, le silence qu’on ne sait plus écouter, le besoin d’écrire sans but. C’est une philosophie de la débandade,

un petit manifeste de la loose sacrée, où chaque phrase dit en creux : « J’ai pas réussi à sauver le monde, mais j’ai tenté de pas trop me trahir. »


⚠️ Évidemment, ça grince

Certains passages sentent le bon vieux mâle blanc bourré au whisky, et ça peut lasser, surtout aujourd’hui. Mais même dans ses débordements, Miller a le mérite de la sincérité sale : il ne maquille rien, ni ses idées ni ses erreurs.


Conclusion :

Pas un chef-d’œuvre, pas un manifeste à suivre à la lettre. Mais un petit livre punk avant l’heure, pour celleux qui aiment les pensées éparpillées, les écrivains qui n’ont plus de filtres et les oracles de bistrot qui te parlent de l’univers avec des miettes de pain dans la barbe.


Mood : gueule de bois lucide, philosophie de comptoir, humanité râpeuse

À lire avec : Bukowski sous le bras, une clope au bec, et un carnet raturé

Verdict : Un foutoir nécessaire. Un uppercut tendre. Pas plus con qu’un autre, c’est déjà pas mal.

guipolgpl
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le 23 juil. 2025

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