Un roman puissant. Difficile d'accès au titre trompeur. Ce n'est pas un curé ordinaire qui écrit ce journal. Outre d'une intelligence supérieure, c'est un curé soucieux de faire son travail correctement. Un curé en proie au pire mal qu'un homme de foi puisse endurer, le doute. Le doute de savoir si il est à la hauteur de ses espérances personnelles, de l'espérance des gens de sa paroisse, de l'espérance de Dieu.
Journal d'un curé de campagne écrit par Georges Bernanos est un roman qui m'a demandé trois tentatives de lecture avant de m'y plonger avec résolution. Par ailleurs, une fois dedans, c'est l'un des rares romans que j'ai terminé en quelques jours.
Difficile d'accès disais-je de par son intrigue monotone, banale, voire quasi inexistante? Non. Ce sont ces questionnements existentiels qu'étayent le curé qui donnent toute la complexité à l'œuvre et par ailleurs c'est ce caractère abscons qui lui donne toute sa saveur. Certaines réflexions proposées par Bernanos sont tout bonnement obsédantes, une véritable nourriture pour l'âme, de telle sorte qu'on ne lit pas Journal d'un curé de campagne comme on lirait un roman d'aventure. On ne le lit pas comme on boirait du Label 5, on le déguste comme on dégusterait un whisky de qualité.
Le quotidien exposé par le curé dans son journal, ses petits tracas journaliers, ses petites maladresses (qu'il croit être) à l'encontre des membres de la paroisse, l'opinion qu'on se fait sur sa personne ne sont finalement qu'une excuse, voire l' élément déclencheur des réflexions philosophiques et métaphysiques qui animent ses pensées. Le contraste de cet être gauche, malingre et torturé de savoir si il fait au mieux contraste tristement avec sa pensée intellectuelle solide, ses raisonnements philosophiques intelligibles bien que pessimistes. De telle sorte qu'on finit par le prendre en pitié, et c'est avec cette affection qu'on les parents qu'on le retrouve béat (la seule fois dans le roman) lors de son tour en moto. Il goute à cette joie enivrante, cette joie qu'on associe instinctivement à l'enfance, ce bonheur qui déborde, qui rend hilare. Cette béatitude qui nous fait nous dire qu'on peut partir sereinement après ça.
Il est évident qu'un recule suffisant sur la vie est nécessaire pour apprécier toute les subtilités des pensées exprimées dans le roman. Un niveau de culture général aussi mais il est évident que Bernanos est suffisamment connoté pour aiguiller le public souhaité. Je suis personnellement tombé dessus un peu au hasard, un heureux hasard. Certaines étapes de la vie sont donc à "franchir" je pense afin de pouvoir vraiment apprécier la portée de la réflexion de Bernanos. Je suis ravi de me dire qu'une seconde lecture en découlera dans quelques années afin d'en apprécier toutes les subtilités.