Premier livre de Gabriel Garcia Marquez que je lis, et ça m'a donné envie d'en lire d'autres. Merci à Erwan et Martin qui me l'ont offert pour mon anniversaire. J'ai vécu le livre comme une présentation exhaustive de toutes les formes d'amour. On y suit Florentino Ariza, transi d'amour pour Fermina Daza et qui décide de lui consacrer sa vie, alors même que celle-ci s'est mariée et a eu des enfants. "Depuis le jour, où, dans sa jeunesse, il s'était consacré tout entier à la cause de cet amour téméraire. pour elle il s'était taillé un nom et une fortune".
Les amours évoqués embrassent un large spectre : l'amour transi de jeunesse, un peu naïf, entre Florentino et Fermina. L'amitié extrêmement forte qui lie Jeremiah de Saint-Amour au docteur Juvenal Urbino. L'amour de Leona Cassiani pour Florentino, que Florentino rencontre dans le bus et qui va être projetée en haut de la hiérarchie de la compagnie fluviale détenue par Florentino. Florentino ne saura jamais lui rendre son attention, lui retourner son amour. Il ne lui dira pas qu'il vit pour Fermina. L'amour inconditionnel, fou, que Florentino porte à Fermina. Il y a aussi tous les amours rapides, sexuels, entre Florentino et plusieurs centaines de femmes.
Son amour le plus dérangeant, le plus horrible, celui qui pousse à bout son goût pour la chair, est sa relation avec la jeune América. Une relation pédophile, qui achève le tableau de prédateur de Florentino. Son amour obsessionnel des femmes et de leur corps l'avait déjà conduit à des comportements de rapaces ; rester à épier les femmes dans le bus, les suivre, les harceler, les inonder de lettres jusqu'à ce qu'elles cèdent. Un homme un peu psychopathe qui comprend et analyse la psychologie de ses victimes, choisissant les plus émues, les plus tendres, celles qui sont prêtes à s'abandonner totalement à ses sorts. C'est amour est celui qui achève de dégoûter de ce personnage qui use de sa position de domination sur une jeune fille qui mourra de la fin brusque de leur relation.
Le portrait que Garcia Marquez dresse de son personnage n'est donc pas tendre : une ombre, un homme engoncé dans des costumes, sans dents, sans cheveux, avec une plume trop lyrique pour un personnage aussi discret que lui.
A partir de la moitié du livre j'ai commencé à me questionner sur le sens du titre "aux temps du choléra". Le choléra y tient une place secondaire, un détail historique, n'est pas la raison de la mort des personnages principaux qui préfèrent tomber d'une échelle en tentant de secourir un perroquet ou se suicider avec du poison. Je n'ai pas réponse à donner quant à ce titre. Je m'attendais à ce qu'ils meurent du choléra lors de la croisière fluviale finale.
Ce roman est impressionnant par la virtuosité de l'écriture de Gracia Marquez mais aussi par son imagination. Il a souvent recours au procédé de raconter une histoire qui en fait découler une autre et ainsi de suite. Procédé astucieux. J'ai été totalement imergée dans la vie des personnages, leurs vies ont croisé la mienne le temps de 400 pages.
C'est également un roman sur une vie, totalement déroulée devant nos yeux, dans ses plus sombres détails. Le plus marquant est alors l'attention portée à dépeindre la vieillesse, les amours des vieillards, leurs habitudes. Les personnages se rendent compte à tour de rôle qu'ils vieillissent, un regard sur leur propre corps ou sur le corps des autres. La relation entre Fermina Daza et Juvenal Urbino lors de leurs dernières années donne lieu à une scène très émouvante, ils ont trouvé leurs habitudes dans leur quotidien. "puis elle sécha ses larmes et essuya sa barbe mouillée de pleurs avec le mouchoir imbibé d'eau fleurie qu'elle glissa dans la poche à hauteur de la poitrine, pointes ouvertes comme un magnolia."
Moment de gêne et d'incompréhension pour moi en lisant ce livre : lors d'un concours de poésie, un chinois remporte le prix. S'ensuit deux pages expliquant pourquoi le peuple était choqué de cette victoire, sous injures racistes et rabaissement mesquin. Les sous-entendus étaient tellemant forts et racistes que j'en suis arrivée à me demander comme l'auteur se positionnait face à ça.